Seconde Guerre mondiale

Des déportés de l’Est affectés aux mines du Nord

par JACQUES KMIECIAK
Publié le 9 février 2021 à 11:52

Nous sommes en 1942. Placées au service de la machine de guerre allemande par un patronat volontiers collaborationniste, les mines du Nord-Pas-de-Calais sont confrontées à une baisse de la productivité. Au cœur de la « zone interdite » directement reliée au commandement militaire allemand de Bruxelles, ce déclin de l’activité charbonnière inquiète l’occupant. En avril, il informe les compagnies de l’arrivée prochaine d’un contingent de 10 000 « travailleurs de l’Est ».

Originaires de la région de Kiev et de Ruthénie, 2 000 requis ukrainiens s’installent dans le Bassin minier de juillet à novembre 1942. En novembre arrivent les premiers prisonniers de guerre soviétiques qui seront 6 000. Puis 1 500 Serbes en décembre. Affectés à une cinquantaine de sièges, ces déportés sont hébergés dans dix camps répartis sur l’ensemble du territoire de Marles-les-Mines à la frontière belge. Fort peu expérimentés pour la plupart, ces mineurs de l’Est surexploités travaillent dans des conditions dantesques. Les civils ukrainiens bénéficiaient cependant « de menus avantages ignorés de leurs compagnons d’infortune », selon l’historien Étienne Dejonghe [1]. Ils pouvaient recevoir deux courriers par mois et surtout sortir en groupe chaque soir et le dimanche ! Quant aux prisonniers de guerre, soviétiques ou serbes, leur régime s’apparente à celui des stalags. « La main-d’œuvre slave n’apporta que des déboires. Elle produisait peu, s’évadait, gagnait les rangs de la Résistance », poursuit Étienne Dejonghe. Particulièrement indisciplinés, les Serbes seront renvoyés à partir de mars 1943. Des Soviétiques seront aussi affectés aux chantiers de l’organisation Todt sur le littoral, dans le Ternois (bunker de Siracourt) ou l’Audomarois (La Coupole).

Vasyl Porik, le plus célèbre des partisans soviétiques assassinés à la citadelle d’Arras en juillet 1944.

En lien avec la Résistance communiste

Ces travailleurs soviétiques retiennent toute l’attention de la Résistance. « Des tracts communistes incitent les mineurs français à aider les Russes », s’inquiètent d’ailleurs les autorités. Très tôt, ils font effectivement l’objet d’un intérêt croissant de la part de la Résistance communiste qui facilite leur évasion. À la mi-juillet 1942, les autorités déplorent déjà au camp de Beaumont-en-Artois (aujourd’hui Hénin-Beaumont) la fuite de 50 civils ukrainiens. « Il est à penser qu’ils sont recrutés par les équipes de l’Organisation spéciale du Parti communiste », estiment-elles. Très vite se constituera un « Comité central des prisonniers soviétiques en France » soumis au commandement du secteur de la Main-d’œuvre immigrée (MOI) des FTPF. « Il a contrôlé 21 camps de prisonniers soviétiques, et 20 groupes de partisans soviétiques dans les départements du Nord, du Pas-de-Calais, de Meurthe-et-Moselle et de la Côte-d’Or », précise l’historien Sergueï Dybov. Figure emblématique de la Résistance soviétique dans le Nord-Pas-de-Calais, Vasyl Porik sera l’un des animateurs de ce Comité central. En pratique, l’activité de ces partisans « consistait à organiser des actes de sabotage et de diversion dans les mines et à mener le travail de propagande et d’agitation parmi les prisonniers dans les camps », selon Gaston Laroche, colonel FTPF dans la Résistance. L’Histoire de leur engagement au service de la libération de la France reste à écrire…

Lire aussi : Des mineurs solidaires des Soviétiques.

Notes :

[1« Requis ukrainiens et prisonniers de guerre soviétiques dans le Nord de la France, 1942 – 1944 ». Revue du Nord, numéro hors-série, 1988.