© Jacques Kmieciak
Seconde Guerre mondiale

Des militants progressistes déportés en Algérie

par JACQUES KMIECIAK
Publié le 17 septembre 2021 à 14:17

En 1941 et 1942, l’État français sous Pétain déporte en Algérie des républicains espagnols, des brigadistes internationaux d’Europe centrale, des militants communistes ou libertaires. La plupart le seront de Port-Vendres (Pyrénées-Orientales) où un hommage leur sera rendu ce dimanche 26 septembre à 11 h. Rencontre avec Georges Sentis, historien.

Au total, « de mars 1941 à l’invasion allemande de la zone sud, le gouvernement de Vichy “déportera” dans les camps d’Algérie 1500 “indésirables” étrangers (républicains espagnols et anciens brigadistes internationaux originaires d’Europe centrale) et 500 “indésirables” français (essentiellement des militants communistes) », souligne Georges Sentis qui rappelle que « la loi sur les étrangers adoptée en 1938, permet d’interner administrativement dans des camps les “indésirables” ne pouvant être renvoyés dans leur patrie. C’est en son nom qu’en février 1939, des Espagnols et des anciens brigadistes sont envoyés dans les camps de Gurs et du Vernet d’Ariège. Au lendemain de la déclaration de guerre, Daladier étend cette mesure aux “indésirables français” et notamment aux communistes refusant de dénoncer le pacte germano-soviétique. Puis, dès l’été 1940, le gouvernement de Vichy multiplie les internements administratifs, utilisant la liste S (Suspects de menées antinationales) établie à l’automne 1939 ».

Conditions hostiles

Surpeuplement des camps oblige, Vichy décide de déporter en Algérie, alors colonie française, les détenus considérés comme « dangereux ». Ils embarquent à Port-Vendres et sont acheminés vers Djelfa, au pied de l’Atlas saharien, à 300 kilomètres au sud d’Alger. Les premiers arrivés « sont contraints de construire le camp, composé essentiellement de tentes dites “marabouts”. Puis, pour laisser la place aux étrangers, les Français sont transférés au pénitencier de la Redoute de Bossuet réputé pour la rudesse de son climat. Quant aux “fortes têtes”, ils sont envoyés à Djenien-Bou-Rezg ». Les détenus sont alors livrés à la cruauté des chefs de camp (humiliations, corvées épuisantes, privations de soins, nourriture insuffisante et de mauvaise qualité, absence d’hygiène), avec pour conséquences une cinquantaine de morts à Djelfa et une dizaine à La Redoute. Sous la houlette de Roger Garaudy, la résistance s’organise cependant à travers la mise en place de cours et de conférences.

Henri Martel et le PCA

Le débarquement allié en Afrique du Nord de novembre 1942 ne met pas fin à leur calvaire, « du fait du maintien en place de l’administration pétainiste, sous la houlette de Darland, puis, de Giraud. Si les députés communistes retrouvent la liberté le 5 février 1943, les autres détenus ne sortent des camps que trois mois plus tard ». Si d’aucuns rejoignent les armées alliées, d’autres prennent le chemin de l’usine ou de la mine s’efforçant de développer une activité communiste en direction des autochtones. Henri Martel, député du Nord, est envoyé à Oran pour aider au développement du Parti communiste algérien (PCA) notamment. « Leur action donna des fruits : aux élections de 1945, le PCA obtint douze conseillers généraux dont une femme et quatre musulmans ainsi que cinq députés dont une femme et deux musulmans. Malheureusement la répression sanglante des manifestations de Sétif en mai 1945, puis l’éviction des communistes du gouvernement en mai 1947, allaient briser cet espoir d’une Algérie nouvelle », précise Georges Sentis.

Georges Sentis ou l’Histoire au service du mouvement ouvrier Il a enseigné l’histoire-géographie pendant plus de 30 ans au collège d’Audruicq, puis au lycée de La Madeleine. À la fin du siècle dernier, il était l’une des chevilles ouvrières de l’association « Mai-Juin 1941 » et des Amis de Robespierre. Ce natif de Perpignan a regagné ses Pyrénées d’origine à l’heure de la retraite, il y a une dizaine d’années. Depuis, Georges Sentis, docteur en histoire, a conservé intacte sa passion pour la recherche. À Port-Vendres, longtemps « porte d’entrée » vers le continent africain et terre d’accueil, en 1879, de Communards de retour d’exil, il rendra hommage avec ses amis de l’ANACR 66, aux 2 000 militants progressistes déportés vers le Sahara par le gouvernement de Vichy. À cet épisode tragique et relativement peu connu de la Seconde Guerre mondiale, il a consacré un ouvrage présenté, en avant-première, au musée Henri-Martel de Sin-le-Noble en juin dernier. Georges Sentis se dit prêt à animer des conférences sur le sujet non seulement en Occitanie, mais aussi dans les Hauts-de-France d’où étaient originaires quelques-uns de ces exilés à l’instar d’Urbain Diolé, conseiller municipal de Burbure, ou d’Henri Martel parti lui, comme d’autres parlementaires communistes, du port de Marseille. Georges Sentis qui en a été l’un des dirigeants nationaux vient par ailleurs d’éditer une brochure sur son expérience au sein de la Jeunesse communiste. Il y relate notamment son passage dans le Calaisis au début des années 1970.

Pour se procurer l’ouvrage La déportation des « indésirables » en Algérie via Port-Vendres (25 euros, frais de port compris), prendre directement contact avec Georges Sentis : sentisgeorges @ orange.fr.