Marles-les-Mines

Des mineurs solidaires des Soviétiques

par JACQUES KMIECIAK
Publié le 9 février 2021 à 11:56

Au pied du terril du 5, le camp de Marles-les-Mines a accueilli des ressortissants soviétiques. Des anciens se souviennent.

Enfant à l’époque, André Surman se rappelle que les autochtones « étaient solidaires de ces prisonniers. Ils leur offraient des pommes de terre. Mon père leur parlait en polonais ou par gestes. En échange, ces prisonniers nous offraient des jouets en bois fabriqués au camp. C’était une forme de troc ». « On leur apportait aussi du pain sur le chemin qui menait du camp aux fosses, mais il leur était interdit de s’arrêter », confirme François Muzyk. Au fond, les mineurs partageaient aussi leur briquet avec ces travailleurs surexploités qui subsistaient dans un état de grand dénuement. « Mon grand-père leur amenait de la soupe. Une fois, il est revenu à la maison sans son pantalon qu’il leur avait laissé », précise Henryk Witkowski.

Surveillés par des rexistes

« L’on voyait chaque jour ouvrable les colonnes de ces malheureux, surtout des jeunes de Biélorussie, encadrés par les gardes, se rendre au travail dans les sièges des mines de Marles… La population compatit à leur souffrance et, en cachette, malgré les difficultés du temps, essaye de leur améliorer l’ordinaire », souligne l’historien Jean Ratel. « On les appelait “les Russes”. Ils travaillaient dans les fosses des alentours. Il y avait des prisonniers de guerre soviétiques, mais aussi des civils ukrainiens, ceux-là, on les aimait moins. Au début, ils étaient surveillés par des gardes wallons », poursuit François Muzyk. Les gardes wallons ? Des ressortissants belges membres du mouvement collaborationniste Rex fondé par Léon Degrelle. « Leur cruauté était légendaire. Ils se croyaient tout permis, et maltraitaient les prisonniers », selon l’association Les Amis d’Edward Gierek.

Appel à témoignages

« Les mineurs polonais constituaient un tiers des effectifs des Houillères. Quels liens ont-ils entretenu avec ces déportés soviétiques ? La proximité de la langue, une culture parfois commune, un idéal collectiviste partagé, étaient-il de nature à favoriser un rapprochement ? » se demandent les amis d’Edward Gierek en quête de témoignages et de documents sur cette page largement méconnue de l’histoire locale [1]. Ces déportés regagnèrent l’URSS après la guerre. Cinq d’entre eux reposent au cimetière de Marles. À la Libération, une plaque en leur honneur, aujourd’hui en mauvais état, y a été érigée par la section ukrainienne du PCF. Un appel a été lancé à la municipalité par Sergueï Dybov en vue de sa restauration.

Lire aussi : Des déportés de l’Est affectés aux mines du Nord.

(Photo : Le camp de Marles se situait au pied du terril du 5. © Jacques Kmieciak)

Notes :

[1Contact : 06 11 50 14 92.