En 1939, veille de la Seconde Guerre mondiale, l’URSS connaît une situation contradictoire. De 1917 à 1939, l’analphabétisme a disparu. En 20 ans, les Russes ont appris à lire et à écrire. Collèges, lycées, universités forment ouvriers, techniciens et ingénieurs… L’accès aux pratiques et manifestations culturelles s’est largement démocratisé et l’industrie se développe. L’URSS est devenue un phare pour l’émancipation des peuples et un point d’appui pour la transformation sociale. Pourtant, ces conquêtes sont lourdement handicapées par les choix menés par Staline depuis 1928 : massacres de plusieurs millions de paysans, particulièrement en Ukraine, et donc mise en cause de l’agriculture, développement du culte de la personnalité et de l’autoritarisme de Staline, assassinats des dirigeants soviétiques ayant participé, avec Lénine, à la Révolution de 1917 et nombreux emprisonnements dans des camps d’internement, disparition de la démocratie née des Soviets créée en 1917.
Double symbole
Depuis 1917, les grandes puissances tiennent à l’écart l’URSS. Elles espèrent un affrontement entre l’Union soviétique et l’Allemagne nazie aboutissant à l’affaiblissement des deux puissances. Le 22 juin 1941, l’armée allemande envahit l’URSS. Elle obtient des succès militaires importants mais ne parvient à prendre ni Leningrad ni Moscou. En 1942, l’Allemagne attaque en vain les riches gisements pétroliers du sud Caucase et veut prendre Stalingrad, nœud stratégique fluvial et ferroviaire au bord de la Volga, espérant ainsi prendre à revers Moscou. En juin 1942, la Wehrmacht investit les alentours de Stalingrad, encercle la ville le 11 juillet. Le 23 août, l’avant-garde allemande atteint les quartiers nord de Stalingrad. Le 13 septembre, l’assaut de la ville commence. De suite, les combats sont très violents. L’Armée rouge, aidée par la population, défend âprement chaque quartier, immeuble ou usine, en particulier l’usine Octobre Rouge où la fabrication de tanks a remplacé celle de tracteurs. Très vite, Stalingrad devient un double symbole : celui de la supériorité nazie et au contraire celui de la capacité de résistance victorieuse du peuple soviétique et de son armée. Le 19 novembre 1942, les Allemands contrôlent 90 % de la ville sans cependant réussir à atteindre la Volga. La résistance soviétique est acharnée. Fin novembre, l’Armée rouge contre-attaque.
« Étrange défaite »
Après avoir écrasé les troupes pro-allemandes installées à l’extérieur de Stalingrad, l’Armée rouge parvient à encercler la Wehrmacht occupant toujours Stalingrad ; ainsi l’armée allemande, privée de ravitaillement, est asphyxiée alors que règne un froid terrible. Pourtant, les combats continuent jusqu’au 2 février. L’avant-veille, le 31 janvier, le général von Paulus, fait maréchal quelques jours avant par Hitler, se rendait. Le 13 février, les Soviétiques contrôlent toute la ville. Cette bataille coûte la vie à 800 000 Soviétiques, civils ou militaires, et à 400 000 Allemands. Près de 100 000 soldats et officiers allemands sont faits prisonniers. C’est la première et la plus importante défaite de l’armée d’Hitler. La victoire de Stalingrad va avoir un retentissement considérable. En France, la Résistance se renforce et pour beaucoup la Libération paraît possible. Dans les camps de concentration, l’espoir renaît. Évoquant la défaite de 1940, l’historien Marc Bloch, fusillé en juin 1944 par les Allemands, parlait d’une « étrange défaite », explicable, selon lui, par la division des Français et la lâcheté des politiciens de la fin de la IIIe République. La victoire de Stalingrad, le 13 février 1943, est, elle, le fruit de la mobilisation très large des peuples d’Union soviétique qui malgré le stalinisme demeurent attachés à leur terre et aussi aux conquêtes émancipatrices nées de la Révolution d’Octobre.
Pierre OUTTERYCK est agrégé d’histoire, doctorant en histoire au laboratoire IRHiS (Lille)