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Seconde Guerre mondiale

Les déportés de Dora sortis de l’oubli

par JACQUES KMIECIAK
Publié le 29 octobre 2021 à 13:09

Le sort des 9 000 déportés de France vers Dora a fait l’objet d’un ouvrage monumental [1]. L’éditeur a fait le choix d’en offrir un exemplaire à chaque famille. Une trentaine de descendants de déportés étaient ainsi réunis, ce samedi, au musée de Bondues dans le cadre d’une cérémonie chargée en émotion.

Ils sont près de 9 000 à avoir été déportés de l’Hexagone vers le camp d’extermination par le travail de Mittelbau-Dora et ses Kommandos en Allemagne. D’août 1943 à avril 1945, ils ont été affectés à la construction d’un site d’assemblage de pièces de fusées V2 destinées à l’anéantissement de l’Angleterre. Sorti en septembre 2020, l’ouvrage qui retrace leur itinéraire est le fruit de plusieurs années de recherches coordonnées par l’historien Laurent Thiery rattaché à La Coupole. Celui-ci s’est entouré de 70 collaborateurs pour mener à bien sa mission. L’éditeur s’est engagé à offrir un exemplaire numéroté à chaque famille de déportés… Ce cadeau « nous a incités à tenter d’identifier les familles ; ce qui n’était pas forcément prévu au départ. 1 500 d’entre elles l’ont été pour l’instant. Les familles qui ne l’auraient pas encore fait, peuvent encore nous contacter et nous aider à compléter nos informations [2] », souligne Laurent Thiery.

Un sujet tabou

Joseph Doucy de Rouvroy a fait le déplacement jusqu’à Bondues. Il est le petit-fils de Stanislaw Rykala porté disparu après son transfert à Dora. Originaire de Pologne, « mon grand-père a travaillé comme mineur dans le Nord, puis comme ouvrier agricole dans l’Aisne. En avril 1944, il sera arrêté à la frontière par la Gestapo d’Annemasse. Sans doute faisait-il passer des Juifs en Suisse ? Il avait 39 ans. Dans la famille, on a tenté d’évacuer cette histoire. Même si ma grand-mère et ma mère m’en avaient un peu parlé, c’était tabou. C’était trop lourd à porter. Et le fait qu’il ait été porté disparu, que son corps ne nous ait jamais été restitué, c’était encore plus compliqué à vivre », estime Joseph Doucy. «  Pour nous, ces cérémonies sont l’occasion de rendre hommage à ces déportés, de les sortir de l’oubli. Cet ouvrage offre aussi l’opportunité aux familles de retrouver la trace de leurs aïeux. Certains ont été brulés dans des fours crématoires et privés de sépulture. Aucun monument de pierre ne rappelle leur martyr. Ce livre fait office de monument de papier », poursuit Laurent Thiery. « Quand je suis monté sur scène, j’étais tellement ému que je n’ai pu prendre la parole. J’étais ailleurs. J’aurais pourtant aimé remercier tous les contributeurs de ce dictionnaire pour le travail considérable accompli », commente Joseph Doucy.

Notes :

[1Le Livre des 9 000 déportés de France à Mittelbau-Dora, de Laurent Thiery, éd. Le Cherche midi, 2 456 pages, 49 euros.

[2Contact : 03 21 12 27 39 ou lthiery @ lacoupole.com.