Depuis l’an dernier, un jardin éducatif porte le nom de Vasil Porik à Grenay. Ce fils de paysan ukrainien faisait partie de ces milliers de ressortissants soviétiques transférés dans le Bassin minier afin de relancer la production charbonnière durant la Seconde Guerre mondiale. Détenu dans un camp de travail à Beaumont-en-Artois (aujourd’hui Hénin-Beaumont) surveillé par des gardes wallons de triste mémoire, il s’en échappe, avec l’aide d’un groupe de Francs-tireurs et partisans (FTP) dirigé par Victor Tourtois. À la tête du bataillon Staline, il s’attaque alors à l’occupant allemand, les armes à la main. À partir de sa planque d’Hénin-Liétard, il passe de maison en maison dans le « maquis des corons ». Au printemps 1944, Vasil Porik est hébergé à la cité 5 de Grenay par Jeanne et René Camus, des résistants communistes. Arrêté par les Allemands quelques semaines plus tard, il sera fusillé à la citadelle d’Arras, le 22 juillet 1944.
Des zones d’ombre
Pour Christian Champiré, maire PCF, Vasil Porik « est à la fois le symbole de l’idéal communiste, de la réalité de l’Internationale communiste, de la lutte acharnée contre le nazisme et du prix payé par la résistance communiste en France ». Aussi l’idée s’est-elle rapidement imposée de mettre son itinéraire en lumière. La tâche de rédiger un ouvrage en ce sens a été confiée à Jacques Kmieciak, historien spécialiste de l’immigration. Il s’agit alors « de figer de façon synthétique nos connaissances en langue française sur ce partisan. Nous nous sommes notamment appuyés sur les notes du colonel Lhermitte entreposées aux Archives départementales à Dainville, mais aussi sur des témoignages reproduits dans La Tribune des mineurs ou Liberté en février 1968 lorsqu’un mémorial fut érigé en sa mémoire par l’URSS au cimetière d’Hénin-Liétard où il repose ». De nombreuses zones d’ombre subsistent néanmoins. « On ignore par exemple sa date d’arrivée en France : 1942 ou février 1943 ? Avait-il un statut de civil comme “requis ukrainien” (Ostarbeiter) ou de prisonnier de guerre en sa qualité de lieutenant de l’Armée rouge défait à la fameuse bataille de la poche d’Ouman en juillet 1941 ? » s’interroge l’auteur qui rappelle que l’URSS l’a élevé au rang de « Héros » en 1964 et qu’un musée lui est dédié dans son village natal de la région historique de Podolie en Ukraine.
Un don aux lycées et collèges du département
Pour la municipalité de Grenay, Vasil Porik incarne « l’engagement des étrangers contre le nazisme » à l’heure où tant d’autochtones avaient fait le choix de la collaboration, à commencer par les actionnaires des compagnies minières, les figures de la CGT socialisante (Priem, Legay, Cadot), les dignitaires de l’Église catholique à l’instar de l’évêque d’Arras, ou les représentants des institutions policières ou judiciaires… « Trois quarts de siècle plus tard, puisse l’exemple de ce modèle d’abnégation, de courage et de détermination, inspirer d’autres générations de combattants », lance Jacques Kmieciak. Afin de permettre aux plus jeunes de s’imprégner de son parcours, la Ville a offert cet ouvrage aux collèges et lycées du département.