© Collection privée Thérèse Swist
Déportés à Troyes en 1940

L’étrange destin des Krysztofiak

par JACQUES KMIECIAK
Publié le 24 juin 2021 à 19:41

En décembre 1940, ses grands-parents ont été déportés dans l’Aube. La Barlinoise Thérèse Swist cherche toujours à en connaître les raisons.

Originaires de Poznanie (Pologne), Nikodem et Katarzyna Krysztofiak émigrent dans le Bassin minier au début des années 1920. Ils habitent à la cité 9 de Barlin ; Nikodem travaillant à la cimenterie de la Loisne située à proximité. Nous sommes en décembre 1940. L’Allemagne nazie occupe le Nord-Pas-de-Calais. Nikodem a 47 ans. Sa femme est d’un an sa cadette. Le couple a une fille Maria âgée de 10 ans. Tous trois sont arrêtés puis emmenés à Troyes, dans une école transformée en camp d’internement.

Arrêtés sur dénonciation ?

Ce centre géré, à la demande de l’occupant, par les autorités françaises, fonctionnera de décembre 1940 à 1943. Il accueillera pêle-mêle des refoulés du Nord-Pas-de-Calais, des Anglais notamment expulsés de la zone côtière, mais aussi des Polonais, des communistes, des Grecs, des apatrides, des Juifs en provenance de l’Audomarois et même des… prostitués. Bon nombre de ces prisonniers étaient « indésirables dans cette région du Nord administrée par l’Allemagne », raconte Jean Lefèvre de l’Association des déportés, résistants et patriotes de l’Aube. D’aucuns bénéficient d’une semi-liberté et peuvent sortir en ville, d’autres sont autorisés à travailler dans les environs à l’heure où un régime plus strict est imposé aux Britanniques considérés comme des ennemis potentiels et, à ce titre, particulièrement surveillés. Les israélites ont un statut à part…

Questions sans réponses

Depuis des années, Thérèse Swist s’interroge sur les raisons de la déportation de ses grands-parents. L’historienne Claire Zalc évoque bien une arrestation de Juifs de Béthune et Nœux-les-Mines à la mi-décembre 1940. Ses aïeux auraient-ils été emportés par cette rafle ? Difficile de le confirmer dans la mesure où « ils n’étaient pas juifs, ni communistes ou engagés sur le plan syndical d’ailleurs », indique-t-elle. Auraient-ils alors été victimes d’une dénonciation calomnieuse ? Mystère. Thérèse Swist ne connaît que des bribes de cette douloureuse histoire familiale. Elle sait, sur la foi du témoignage de sa mère Maria, qu’« à Troyes, ils ont bien été hébergés à l’école Jules-Ferry où une plaque, posée en 2015, rappelle ce terrible évènement. Ma grand-mère y travaillait dans les cuisines. Ma mère est restée marquée par cette histoire et très affectée par la déportation vers l’Allemagne de petites copines juives dont elle avait fait la connaissance sur place ». « Ces prisonniers feront l’objet d’un tri, mais comme l’administration prend son temps, une partie d’entre eux ne sera rapatriée qu’en 1942 », poursuit Jean Lefèvre. Ce sera le cas des Krysztofiak autorisés par la Feldkommandatur à retourner chez eux en juillet 1942. À Barlin, « les Allemands s’étonneront d’ailleurs de leur déportation à Troyes ».

Un besoin de reconnaissance

En 1968, la famille a demandé réparation à la République fédérale d’Allemagne. En vain… Désormais, Thérèse aimerait que ce pan oublié de l’Histoire locale fasse l’objet d’une reconnaissance officielle. « Il s’agirait d’une façon symbolique de reconnaître le traumatisme causé et la souffrance subie », avance-t-elle. Les déportés du Train de Loos évacués en Allemagne en septembre 1944, ont bien leur stèle à Barlin... La municipalité devrait être prochainement saisie de cette requête.

Toute personne pouvant renseigner Thérèse Swist sur le sujet est invitée à la contacter au 06 70 45 41 08.