Accueil  >  Idées
Francis Wurtz : L'Europe libérale se meurt ?

Vive l’Europe sociale !

par JEAN JACQUES POTAUX
Publié le 26 avril 2019 à 17:11 Mise à jour le 30 avril 2019

Ce petit livre, très accessible qui reprend une chronique hebdomadaire parue depuis treize ans dans l’HumanitéDimanche vient à point. Député honoraire du parlement européen, Francis Wurtz a jouéun rôle fondamental dans le combat des communistes contre le traitéde Maastricht et le traitéconstitutionnel de 2005. À la fin de son mandat, il est devenu enseignant àl’Institut des relations internationales et stratégiques, puis a été nommé président de l’Institut d’études européennes de l’universitéParis VIII. Il est aujourd’hui l’un des membres du conseil de direction de la Maison de l’histoire européenne.

Le rôle des États membres

Le livre reprend des articles écrits entre 2006 et la fin de l’année 2018. Il constitue un argumentaire précieux pour mener la campagne électorale et déjouer les pièges qui nous sont tendus par les forces libérales et national libérales et populistes. Le livre est diviséen huit chapitres thématiques, ce qui en facilite la lecture : La gauche face à l’Union européenne actuelle ; Changer l’Europe jusqu’àla refonder ; L’humain d’abord ! ; l’Écologie au service de l’humain ; Des succès à consolider, àamplifier et àétendre ; En France, en Europe : l’incontournable rassemblement des progressistes ; Humaniser la mondialisation ; Un grand dessein pour une autre Europe. Il faut déplorer l’absence d’informations données par les médias sur l’Europe. Tout le monde malheureusement ne lit pas la lettre du député européen Patrick Le Hyaric, ou la chronique hebdomadaire de Francis Wurtz dans l’Huma Dimanche.

Les dirigeants politiques de Sarkozy àMacron, en passant par Hollande ont beau jeu de faire croire qu’ils doivent suivre des directives européennes qui ne leur plaisent pas mais sont malheureusement indispensables. N’a-t-on pas vu Emmanuel Macron se prononcer contre l’Europe ultralibérale, et se définir comme le chantre de l’Europe progressiste ce que l’auteur définit comme un gag ? La directive européenne sur la direction du rail prévoyait àcertaines conditions la possibilitéd’éviter l’ouverture àla concurrence. C’est Emmanuel Macron qui a fait ce choix. Il est donc faux de présenter le président de la République comme le « petit copiste de l’UE » comme cela a pu être fait. Il convient de ne pas sous-estimer le rôle que jouent les États membres, notamment les plus puissants dans la conduite des affaires européennes. Mesurons combien sont trompeurs et dangereusement paralysants les slogans du type : « Bruxelles décide de tout. ! »

Dans le même ordre d’idées, il est faux de dire que le parlement européen n’a aucun pouvoir, argument fallacieux et démobilisateur qui nourrit l’abstention dans les milieux populaires. Laurent Brun, de la CGT rappelle que la libéralisation des chemins de fer dans l’Union européenne a été votée àune faible majorité, 330 députés se prononçant pour le rejet, 354 contre, 20 s’abstenant.

Une Europe démocratique, coopérative et solidaire

Les réflexions qui précèdent permettent àFrancis Wurtz de répondre àla fausse bonne question de la sortie de l’Euro. Si l’extrême droite progresse dans la zone euro, elle progresse également dans des pays extérieurs àla zone euro (Grande Bretagne, Danemark, Suède, Lettonie, Hongrie, Bulgarie, ou en Norvège et en Suisse, non membres de l’UE. De Giscard d’Estaing àTrichet, en passant par Michel Barnier, la classe dirigeante française occupe des postes clés dans la construction européenne. « La question n’est donc pas de sortir de l’Europe, mais bien de changer de structures et d’orientations tant à Bruxelles (et Francfort) qu’àParis ».

Les communistes se battent pour « une union de nations et de peuples souverains et associés ». « Nous sommes àla fois profondément critiques par rapport au modèle européen actuel et profondément favorables àune construction européenne refondée ». La droite considère l’État et oublie le peuple, les assemblées élues, les mouvements sociaux. Souverainetésignifie que les futurs traités ne devront plus imposer de modèle économique ou politique prédéterminé. L’Europe de l’avenir sera à géométrie choisie, Loin du modèle mercantile et antisolidaire actuel, elle sera plurielle, mais « résolument démocratique, coopérative et solidaire ».

Spéculation

Le livre aborde la question des traités. Les communistes s’y sont opposés avec vigueur, souvent seuls à gauche. Non, Maastricht n’était pas un « compromis positif », loin de làcomme le déclarait Mélenchon. L’objectif est bien de sortir de ces traités. Mais il convient de voir la situation actuelle. La BCE en est venue, en contravention avec les traités, à émettre 3000 milliards d’euros ces dernières années. Mais l’essentiel est allé àla spéculation au risque d’entraîner une nouvelle bulle financière et une nouvelle crise. « Mesure-t-on l’enjeu de classe que constitue le fait que la banque centrale européenne aurait pour mission , non plus d’attirer les investisseurs au prix d’une politique d’austérité salariale et de rationnement des dépenses publiques, mais d’utiliser son pouvoir de création monétaire pour financer, à taux quasi nul et sur le long terme, le développement social et écologique ainsi que la réduction progressive des déséquilibres, notamment entre le nord et le sud de l’Europe ? », questionne Francis Wurtz. Làest un important combat du présent avec les forces populaires et syndicales européennes.

On ne peut pas résumer 60 chapitres en quelques lignes. Sachez que ce petit livre de 140 pages vendu àun prix très abordable aborde les grandes questions du moment. Le défi du changement climatique, l’évasion fiscale, la révolution numérique, la Grèce, les réfugiés, les travailleurs détachés, les relations internationales et la paix.