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Attention, vous êtes surveillés

par Philippe Allienne
Publié le 23 juillet 2021 à 10:42

L’épisode de cyber-surveillance qui vient d’être révélé par la presse est à la fois terrifiant et banal. Terrifiant parce que le président Macron, même si l’on ne sait pas encore s’il a été réellement espionné, a été visé via ses téléphones mobiles. Plusieurs membres du gouvernement sont dans ce cas, des journalistes également. C’est vrai par exemple pour ceux de Médiapart, c’est vrai aussi pour la reporter de l’Humanité, Rosa Moussaoui. Tout cela est terrifiant parce que, même si le pouvoir marocain s’en dédit, cette « approche  » est le fait des services marocains qui utilisent le logiciel « Pegasus » déployé par une société privée israélienne, NSO, proche du pouvoir. Au total, 50 000 numéros de téléphones au moins ont été ciblés, y compris au Maroc. Dès lors que nous possédons un appareil android ou un i-phone, nous pouvons être espionnés tant dans notre vie privée que dans la vie publique. L’espion s’infiltre dans l’appareil, sans que l’on puisse s’en apercevoir, et il peut aspirer les données. Il peut aussi activer les micros et les caméras. Il semble donc facile de placer un mouchard dans le bureau d’un chef d’État, d’un ministre, d’un journaliste, d’un responsable économique, etc. En même temps, cet épisode peut paraître banal. On sait très bien que l’espionnage a toujours existé. C’est la technologie qui a évolué. Passons sur l’éventualité où Emmanuel Macron, comme ses ministres, se soient montrés « légers  » en termes de sécurité. Ils sont en principe très avertis sur les précautions à prendre, mais semble-t-il, le respect de ces précautions peut être contraignant au point que les dirigeants de ce pays ne peuvent se passer de leur smartphone personnel. Mais ce qui apparaît encore plus troublant est le fait que, dans le cas présent, personne n’aurait rien vu venir de la part du Maroc. On avait plutôt coutume de se méfier de la Chine, de la Russie, de la Turquie et, bien sûr, des États-Unis. Pourquoi le Maroc ? L’opération date de 2019, dans un contexte lourd. Certes. Mais ce type d’espionnage continue aujourd’hui. L’utilisation de logiciels du type Pegasus peut même aller bien au-delà de la surveillance en permettant, au bout du compte, l’élimination physique de personnes (opposants politiques, ennemis, etc.). Évidemment, un groupe comme NSO niera toujours être pour quelque chose dans les usages détournés et malveillants de la technologie qu’il commercialise, qu’il vend aux États. Il importe donc de mettre en place une réglementation internationale stricte pour limiter ces effets néfastes. Est-ce vraiment possible ? Si cette réglementation se concrétisait, on sait d’ores et déjà que tous les États ne la respecterait pas.