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“C’est un dur métier que l’exil, bien dur”

par Philippe Allienne
Publié le 2 juin 2023 à 10:45 Mise à jour le 3 juin 2023

Tandis que le gouvernement et sa majorité à l’Assemblée nationale manœuvrent honteusement pour empêcher que la proposition de loi déposée par le groupe Liot (abrogation de la réforme des retraites) aboutisse, voilà que revient le débat autour de l’immigration. Après le texte que défend le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin, on assiste à un duel entre Renaissance et Les Républicains. Pour LR (qui sur ce point au moins se distingue de moins en moins du Rassemblement national), il n’est pas question de régulariser les personnes dans les métiers en tension. Même si l’on fait mine de découvrir qu’ils sont indispensables. Il parle assimilation, interdiction du regroupement familial, réduction de l’Aide médicale pour les étrangers, durcissement de l’obligation de quitter le territoire pour les déboutés du droit d’asile, rétablissement définitif de la double peine, modification de la Constitution et dérogation au droit européen. Les LR veulent revoir les conditions du droit d’asile. En face, le ministre du Travail Olivier Dussopt passe pour un exemple d’humanisme en affirmant, la main sur le cœur, qu’il ne sait pas ce qu’il faut entendre par « assimilation », qu’il faut comprendre qu’il est parfois difficile (au hasard, dans un pays en guerre ...) de déposer un dossier de demande d’asile pour la France quand les ambassades sont fermées. Au bout du compte, ce débat ressemble de plus en plus à de l’enfumage et à de la diversion. On sait très bien que les mécanismes d’intégration sont grippés et que les dés du débat sont faussés. Un récent sondage réalisé par Elabe montre qu’un Français sur deux estime qu’il y a trop d’immigrés en France mais seulement 10 % estiment correctement leur nombre. Et la droite plonge joyeusement dans les fausses estimations tandis que les macronistes se disent « ouverts au débat ». Pourquoi au juste faut-il une énième loi ? Nous en comptons une trentaine ces quarante dernières années. Chaque gouvernement veut contrôler mieux les flux migratoires et prétend mieux intégrer les « étrangers » Voilà que le travail deviendrait la panacée. Il y a eu l’an dernier 140 000 demandes d’asile sur le territoire français. Ce n’est rien par rapport à la population de notre pays. Pourquoi continuer à laisser les personnes qui s’exilent dans l’incertitude pendant des mois, voire des années ? Pourquoi ne pas simplement donner les moyens à l’Office français de protection des réfugiés et des apatrides (Ofpra) et à la Cour nationale du droit d’asile (CNDA) de mieux travailler ? Dans l’idéal, il faudrait tendre vers la régularisation globale des personnes qui choisissent de s’exiler chez nous. Il faudrait aussi apprendre à les connaître, à connaître leur réalité, à apprécier les apports positifs de l’immigration. « C’est un dur métier que l’exil, bien dur ». En écrivant ces lignes, le poète turc Nazim Hikmet rappelait cette réalité : l’exil est une condition qui s’expérimente sur l’individu dans tous ses aspects du quotidien. On ne s’arrache jamais à ses racines par plaisir. Les tenants d’un faux débat gagneraient à le savoir.