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Darmanin à l’extrême

par Philippe Allienne
Publié le 21 avril 2023 à 17:07

Quand le ministre de l’Intérieur pousse l’ignominie jusqu’à plus soif, la démocratie a de bonnes raisons de trembler. Il est désormais bien acquis que cette dernière est en crise. Cela a été révélé à l’occasion de la réforme des retraites, c’était en incubation depuis le mouvement des Gilets jaunes. Cette fois, c’est à l’occasion des affrontements qui ont eu lieu à Sainte-Soline entre manifestants et forces de l’ordre que Gérald Darmanin se fait entendre. Réagissant le 6 avril dernier à la diffusion par la Ligue des droits de l’homme d’une conversation mettant en cause la police, le ministre n’a pas fait dans le détail. Il a menacé de faire supprimer les financements publics versés à l’association : « Je ne connais pas la subvention donnée par l’État, mais ça mérite d’être regardé dans le cadre des actions qui ont pu être menées. » Suivent les déclarations de la Première ministre Élisabeth Borne qui dit ne pas comprendre certaines des positions de la LDH lorsque qu’elle attaque un arrêté préfectoral ou lorsqu’elle pointe les « ambiguïtés » de la Ligue « face à l’islamisme radical ». Certes, la cheffe du gouvernement pas plus que le ministre de l’Éducation nationale (les financements publics de la LDH dépendent de ces deux ministres) ne suivent Gérald Darmanin sur la possibilité de supprimer la participation publique. Mais le mal est fait. Cela fait plaisir à la droite (le député LR Pierre-Henri Dumont) et le soutien de Manuel Valls au ministre est acquis. Comme les autres responsables et militants de la LDH, la présidente de la section lilloise a raison de s’inquiéter de ce qui est reproché à l’association qui, insiste-t-elle, est toujours demeurée sur sa ligne : la défense de l’État de droit, de la démocratie et de la liberté. Se questionner sur la dissolution du CCIF (le Collectif contre l’islamophobie en France) ne revient pas à partager ses idées et à défendre l’islamisme. Fondée le 4 juin 1898 par le républicain Ludovic Trarieux afin de défendre le capitaine Dreyfus, la Ligue a d’abord défendu les droits individuels avant de s’intéresser aux droits sociaux. Elle s’est toujours attachée à défendre les victimes de l’arbitraire. Mais elle s’est souvent heurtée à ceux qui ne supportent pas les contre-pouvoirs. C’est de toute évidence ce qui motive le ministre de l’Intérieur qui aime montrer ses muscles. Il n’en est pas à sa première action en la matière. Lorsqu’il était maire de Tourcoing, il s’est déjà attaqué à la LDH. On doit aussi garder en tête ce que fait la municipalité RN d’Hénin-Beaumont qui a poursuivi à 53 reprises l’ex-conseiller d’opposition et vice- président départemental de la LDH. Gérald Darmanin franchit un pas supplémentaire en se rapprochant de l’extrême droite. La Ligue a été interdite durant l’Occupation, sous Pétain. Elle a été menacée par le pouvoir durant la guerre d’Algérie. Tristes souvenirs, triste sire.