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Dernière digue à Mayotte

par Philippe Allienne
Publié le 1er mai 2023 à 14:46 Mise à jour le 28 avril 2023

Nous revenons dans ce numéro de Liberté Hebdo sur la crise démocratique dans laquelle notre pays est entré, avec ses dérives sécuritaire et violentes. Une fois n’est pas coutume, citons un bourgeois libéral du XIXe siècle. François Guizot disait qu’on ne gouverne pas avec des préfets et des policiers. Apparemment, le libéral du XXIe siècle Emmanuel Macron et son ministre de l’Intérieur, Gérard Darmanin, n’ont pas compris la leçon. La séquence du passage en force de la réforme des retraites l’a clairement démontré et la méthode employée continue sur sa lancée. Les prochaines réformes annoncées ce 26 avril par la Première ministre le confirment encore. Mais la crise démocratique et la violence d’État ne s’arrêtent pas à l’Hexagone. Elles trouvent un terrain d’application sans pareil à Mayotte. Gérald Darmanin, lui encore, a lancé lundi dernier une opération de destruction des bidonvilles qui accompagne l’expulsion vers les Comores des personnes en situation irrégulière. Et il a subit deux revers qu’il n’a pas vu venir. La justice, saisie par un collectif d’avocats agissant pour les habitants, a ordonné au préfet Thierry Suquet de cesser l’opération d’évacuation et de démolition d’un bidonville. Cette opération s’avérait dangereuse pour une partie des occupants non concernée par la démolition. Elle était irrégulière selon le tribunal de Mamoudzou, la capitale mahoraise. Dans le même temps, le pouvoir comorien mettait son avertissement à exécution en refusant d’accueillir un navire transportant 38 personnes expulsées de Mayotte. Cette fois, le ministre de l’Intérieur et le gouvernement dans son ensemble sont pris la main dans le pot de confiture. Les autorités comoriennes les accusent d’aller à « l’encontre du respect des droits humains ». Les relations diplomatiques entre les deux pays risquent d’en pâtir. Pourtant, à Mamoudzou, le préfet Suquet fait appel de la décision du tribunal et procède à d’autres destructions, toujours au mépris de la dignité et des droits humains. Cela rassure le ministre Darmanin très contrarié devant cette résistance. Ainsi, dans ce département d’outre mer, si loin de Paris, on peut faire au grand jour ce que l’on rêve de faire en France métropolitaine. Peu importe les protestations d’une immense majorité des Français. Parce que c’est à Mayotte, c’est possible. Il faut dire que les droits humains y sont bafoués depuis des années. Si l’on doute que la dernière digue des droits est rompue par ces actions, il n’y a qu’à écouter ce que dit, à propos des délinquants étrangers (prétexte à la politique d’expulsion), ce vice-président du département, Salim Mdéré. « Il faut peut-être en tuer. » Quand on dit que la crise démocratique mène directement à l’application d’une politique d’extrême droite.