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Il est urgent de régler le fléau des féminicides

par Philippe Allienne
Publié le 7 janvier 2022 à 11:16

Il n’est pas possible de demeurer indifférent aux meurtres commis en ce début d’année, et en l’espace de cinq jours seulement, sur trois femmes. Elles avaient 27, 45 et 56 ans et vivaient dans le Maine-et-Loire, la Meurthe-et-Moselle et les Alpes-Maritimes. Elles s’appelaient Éléonore, Lisa, Muriel. Toutes trois sont mortes sous les coups d’un mari ou d’un ex-compagnon qu’elles avaient quitté en raison, justement, des violences conjugales que ces hommes leur faisaient subir. La presse a raconté leur histoire et leur calvaire. C’est important de dire, d’informer sur cette épouvantable réalité, de faire réagir. Mais on sait qu’un événement chassant l’autre, la publication de ces faits, voire même le portrait de ces victimes comme l’a écrit Le Parisien, ne peut malheureusement suffire. « Quand va s’arrêter ce massacre ? » demande avec justesse l’actrice Muriel Robin. Il y a quelques années, dans la nuit du 30 au 31 décembre 2017, lorsque la jeune Mariama (32 ans) avait été battue, poignardée et défenestrée par son mari, à Montreuil-sous-Bois (Seine-Saint-Denis), les élus, maire en tête, s’étaient immédiatement mobilisés pour dénoncer ce crime et réfléchir à des dispositions réellement efficaces. À l’époque, l’émotion avait saisi la ville entière, mais le mot « féminicide » était prononcé du bout des lèvres. De toute façon, s’indignait une militante lilloise quelques années plus tard, « il ne sert à rien de compliquer ou d’intellectualiser ce type de comportement. On parle bien de meurtre et d’assassinat. Les auteurs doivent réparer ». Mais un énorme travail en amont doit être réalisé. À commencer par l’éducation et l’enseignement des enfants afin que ne perdurent pas les vieux schémas conduisant au sexisme. Pour le reste, les dispositions qui ont été prises ces dernières années sont loin de montrer une entière efficacité. Le téléphone « grave danger » peut, s’il est découvert par le conjoint, mettre lui-même la femme en danger. Dans d’autres cas, on l’a vu, la personne violentée et toujours menacée doit être tenue au courant de la libération du conjoint lorsque celui-ci a été incarcéré. Ce n’est pas toujours vrai. Il faut ensuite éloigner systématiquement les conjoints dangereux, prendre bien sûr en compte les plaintes des victimes, dès le premier coup, être à même de les mettre à l’abri. Encore que ce ne devrait pas être à elles de quitter leur foyer. Les juges et les policiers doivent encore évoluer, être mieux formés à ce type de violences. Quand on sait que l’an dernier 113 femmes ont été assassinées par un conjoint ou un ex-conjoint, on peut légitimement se demander si tout a été fait. On sait bien que non. On ne peut rien régler sérieusement en tenant un « Grenelle des violences conjugales » comme l’a fait la ministre Marlène Schiappa en 2019. Le nerf de la guerre, comme toujours, ce sont les vrais moyens. En Espagne, le gouvernement a mis un milliard d’euros sur la table alors que la France y consacre moins de 100 millions. Chaque année, elle procède à 20 000 mesures d’éloignement des hommes violents. Pour un peu plus de 3 000 en France.