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Il faut une vraie volonté politique pour construire une finance éthique

par Philippe Allienne
Publié le 8 octobre 2021 à 12:10

La grande question qui se pose autour du énième scandale des paradis fiscaux porte sur la crédibilité des politiques. Ce sont d’ailleurs des journalistes, réunis dans le consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ) qui publient l’enquête, le 3 octobre, et non celles et ceux qui, élus, sont censés lutter contre l’évasion fiscale. Le phénomène apparaît d’autant plus inquiétant que cette pratique évolue et s’adapte aux circonstances, ainsi que le souligne le sénateur communiste Éric Bocquet. La liste des dirigeants impliqués en dit long. Passons sur Guy Forget (le directeur de Roland-Garros qui se retranche derrière une ignorance feinte ou non), passons sur le nom de Dominique Strauss-Kahn (dont plus rien ne peut nous étonner). Passons encore sur le nom de Tony Blair, l’ex-Premier ministre britannique. Mais si l’on se tourne vers certains acteurs de la lutte contre l’évasion fiscale, on trouve par exemple le nom de Wopke Hoekstra, l’actuel ministre des Finances néerlandais et par ailleurs grand défenseur de l’austérité en Europe. Il est également membre de l’Ecofin, le conseil Affaires économiques et financières chargé de la politique de l’Union européenne pour les questions économiques et fiscales. En tant que tel, il participe à l’élaboration de la liste des paradis fiscaux de l’U.E. Or, M. Hoekstra aurait investi dans une société boîte aux lettres... aux Îles Vierges britanniques. Ces Îles sont un des rouages essentiels des montages révélés par les Pandora Papers. Pourtant, elles ne figurent pas dans la liste des paradis fiscaux de l’UE ! Difficile d’y voir un hasard ou une simple coïncidence. La liste en question est du reste régulièrement montrée du doigt pour sa brièveté et pour le retrait de certains pays... Le ministre néerlandais n’est évidemment pas seul en cause. Dans les noms de Pandora papers, on trouve par exemple celui du Premier ministre tchèque. Lui aussi a recours aux Îles Vierges ainsi qu’à Monaco pour y baser des sociétés offshore. Comment peut-on dès lors lutter contre les paradis fiscaux tout en en étant client ? Voilà bien la question à laquelle il convient de s’attacher pour régler le problème au niveau européen, mais aussi mondial. La finance éthique ne sera pas pour demain sans une véritable politique qui dépasse les frontières.