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L’Irlande et le conflit de la pêche franco-britannique

par Philippe Allienne
Publié le 5 novembre 2021 à 13:00

On pouvait aisément s’attendre à des difficultés post-Brexit, notamment à propos de la pêche. Le dialogue de sourds qui s’est instauré entre Paris et Londres sur ce sujet en est une illustration frappante. Voici donc à nouveau Emmanuel Macron aux prises avec un casse-tête diplomatique. Le précédent, avec l’Australie, les États-Unis et, par extension, la Grande-Bretagne, ne semble pas lui avoir servi de leçon. Ou alors, il adore les bras de fer, histoire de s’affirmer sur le plan international. Dans ce dossier, les choses s’annoncent plutôt mal. La pêche a toujours été un sujet très sensible entre les deux pays. En menaçant purement et simplement les Britanniques de sanctions si ces derniers ne changent pas rapidement d’avis sur les licences accordées aux pêcheurs français, il n’a pas choisi le meilleur moyen de les faire plier. Sa menace, qui consiste à interdire aux pêcheurs anglais de débarquer leur poisson dans les ports français, est forcément contre-productive. Cela revient à punir Londres pour non-respect des accords signés en s’attaquant à des ouvriers anglais (les pêcheurs) et en oubliant les conséquences pour les ouvriers français (les salariés des entreprises de mareyage et de transformation du poisson). Les responsables économiques et politiques boulonnais en ont bien conscience et craignent pour la survie des entreprises. L’autre aspect de la sanction brandie par Paris porterait sur les liaisons transmanches. Là encore, les ports français concernés seraient directement pénalisés. Dunkerque, Calais, Dieppe et Roscoff n’ont pas besoin de cela. Calais est le premier port de voyageurs empruntant le transmanche et Dunkerque s’est longuement battu pour maintenir et développer cette activité, tant dans le domaine des passagers que du fret. Au total, mareyage, transformation du poisson et trafic transmanche représentent aujourd’hui environ 20 000 emplois. Face à des partenaires économiques qui semblent bien décidés à ne pas s’en laisser compter, que faire alors pour les persuader qu’ils doivent respecter leurs accords ? La rencontre entre Emmanuel Macron et Boris Johnson a abouti sur un échec. Celle, ce jeudi 4 novembre, entre David Frost, ministre britannique du Brexit, et Clément Beaune, secrétaire d’État français aux Affaires européennes n’a pas suffi à avancer de manière substantielle, mais des frémissements sont perceptibles. De nouvelles licences ont été concédées aux Français. Mais on est encore loin d’un retour au calme. Reste un argument auquel Londres est très sensible : l’Irlande du Nord et la frontière commerciale instaurée de fait par le Brexit. Le gouvernement de Boris Johnson voudrait bien renégocier ce point. Cela ne peut que se jouer à Bruxelles. Mais en attendant, il lui faudra céder sur les licences et le respect des droits des pêcheurs français.