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Les beaux jours du sexisme en entreprise

par Philippe Allienne
Publié le 16 juin 2023 à 10:43

Le Code du travail, dans son article L1142-2, est clair : « Nul ne doit subir d’agissement sexiste, défini comme tout agissement lié au sexe d’une personne, ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à sa dignité ou de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant. »

Cela ne se vérifie pourtant pas dans les faits. C’est ce que révèle le baromètre StOpE 2023 créé il y a tout juste deux ans. Cette étude nous apprend que le sexisme au travail ne faiblit pas. Secrétaire générale du Conseil supérieur de l’égalité professionnelle, Brigitte Grésy parle de « sexisme ordinaire », celui qui ne se voit pas, ou très peu, mais que subissent de nombreuses salariées. Malgré la législation et la nouvelle définition du harcèlement sexuel, les femmes qui sont confrontées à des attitudes ou à des décisions sexistes dans leur entreprise ont beaucoup de mal à le dénoncer par crainte des conséquences. Porter plainte est d’autant plus difficile. Résultat, la loi a du mal à s’appliquer et la jurisprudence est quasi inexistante.

Selon la dernière analyse de ce baromètre, plus de 80 % des femmes interrogées (dans un panel de 200 entreprises) ont ressenti un phénomène de sexisme. 90 % d’entre elles estiment que cela a un impact sur leur confiance en elles et en leurs compétences. Ces comportements peuvent se manifester avec les vieilles blagues sur les blondes, les compliments appuyés sur les tenues vestimentaires, les plaisanteries liées au management en signifiant aux femmes qu’elles n’ont pas les épaules pour diriger, la maternité qui serait un frein pour le travail et l’avancement professionnel, les incivilités en réunion, les injonctions, etc. Sans compter les inégalités salariales dont sont victimes de nombreuses femmes. Du « sexisme ordinaire » et du harcèlement moral, cela peut aller jusqu’au harcèlement sexuel.

Pis encore, si le sexisme en entreprise est de plus en plus reconnu par les hommes, cela n’empêche la petite musique selon laquelle « c’est de l’humour, on ne peut plus rien dire ». À l’inverse, et toujours selon Brigitte Grésy, le sexisme à l’encontre des hommes, s’il est bien réel, ne peut être comparable à celui qui atteint les femmes et pour qui les conséquences sur le bien-être sont bien plus désastreuses.

Il semble en tout état de cause bien difficile de lutter efficacement contre cette idéologie de domination. L’employeur a pour obligation de veiller à empêcher et à sanctionner les comportements sexistes. Il pourra, peut-être, être épaulé par le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes. Celui-ci propose en effet de rendre obligatoires les formations contre le sexisme par les employeurs. Ce ne serait pas un luxe.