Accueil  >  Idées  >  L’édito

OVHcloud et la logique du capital

par Philippe Allienne
Publié le 22 mars 2021 à 11:53

C’est évidemment avec beaucoup de regrets que nous avons dû annoncer à nos lecteurs, ce mercredi, la disparition des écrans de notre site internet. Nous avons bien entendu espoir que les choses se rétabliront au plus vite et que nous retrouverons l’ensemble de nos données. Ce n’est pourtant pas gagné. L’incendie qui a ravagé le datacenter d’OVHcloud, dans la nuit du 9 mars, à Strasbourg, n’a heureusement pas fait de victimes humaines. Il n’était pas non plus classé Seveso comme cela avait un temps été annoncé et il n’y a donc pas eu de pollution. 
En revanche, le sinistre a provoqué de nombreux dégâts. Pas moins de « 3,6 millions de sites web sont tombés » titre ainsi le Journal du Net. 3,6 millions de sites internet ! On a peine à le croire. Cela représente 464 noms de domaines distincts qui se sont retrouvés hors ligne. Cela veut dire aussi que 18 % des adresses IP attribuées à OVH ne répondaient plus au lendemain de la catastrophe. Parmi les sites concernés : data.gouv.fr (mais qui a été remis en ligne), le site du centre Pompidou, à Paris, celui de la fédération des médecins de France. Il y a aussi les sites de nombreux journaux (pas seulement le nôtre !) comme les Dernières Nouvelles d’Alsace. Mais encore ceux du club de rugby de Clermont-Ferrand, du comité d’entreprise de Peugeot-Sochaux, de la ville d’Arras, du parti politique UPR, etc. La liste est infiniment longue. Ce n’est pas tout. L’Éducation nationale a connu quelques frayeurs. OVH héberge en effet des Environnement numériques de travail (ENT) de lycées et de collèges. Alors que la situation est tendue en raison des conditions d’enseignement en période de crise sanitaire, le risque était grand de perdre des données comme les notes des élèves. Des bugs ont d’ailleurs été constatés. Des dossiers scolaires auraient pu être perdus. On imagine le stress supplémentaire que cela aurait provoqué tant chez les enseignants que chez les élèves et leurs familles. L’incendie de Strasbourg met en lumière la fragilité extrême d’un système d’hébergement de données, à l’heure où nous pensons et vivons toutes et tous à travers internet (ou presque). Mais le plus étonnant est qu’un seul hébergeur puisse ainsi régner sur autant de sites. OVHcloud est détenue à 80 % par son créateur Octave Klaba. Et il a grand appétit. En 2016, l’entreprise avait été valorisée à 1,2 milliard d’euros. Cette année, elle avait prévu de s’introduire en Bourse. Sa croissance a été tellement rapide qu’elle est devenue l’une des principales concurrentes des géants américains pour la fourniture de services de cloud computing en Europe. La logique du capital encore et toujours reste plus forte que l’intérêt que l’on devrait porter à la société humaine.