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Plus rien à faire de la politique, les Français ? Vraiment ?

par Philippe Allienne
Publié le 23 avril 2021 à 11:36

À écouter les commentaires récurrents des spécialistes de la politique, les Françaises et les Français en ont plus qu’assez de s’entendre prédire un duel Macron-Le Pen au second tour de la présidentielle. Mais curieusement, ces mêmes spécialistes resservent cette prédiction à l’envi. Faire barrage au Rassemblement national. La litanie n’est pas près de s’arrêter. De façon à la fois simpliste et confuse, on appelle cela le « débat ». Débat de quoi ? D’idées ? Il faudrait être vraiment très bon client pour le croire. Car d’idées, il n’y a jamais ou presque jamais. Au moins, ces zélés du micro pourraient-ils rapporter l’information. Par exemple, pour relater la rencontre entre les forces de gauche et écologistes, ce samedi 17 avril, était-il si compliqué de citer l’ensemble des partis représentés ? Apparemment oui car il faut tendre très fort l’oreille pour entendre le mot « communiste ». Certes, la présence du PCF à cette table a bien été signalée, mais c’est surtout l’absence, non pas de LFI mais de son leader, qui a été pointée du doigt. Son commentaire a posteriori a été goulûment relayé. Le candidat communiste à la candidature pour la présidentielle est certes de plus en plus souvent invité. Mais les propos simplistes et réducteurs sur un clivage RN et les autres s’accrochent comme une tache d’huile dans un bol de lait. Alors, face au danger que l’on nous dit inévitable (nous nous garderons ici d’évoquer la revanche d’une blonde, le mal sexiste ayant connu son paroxysme dès qu’une femme a été nommée Première ministre) les grands médias questionnent les spécialistes. Parmi eux : Brice Teinturier. Le directeur général délégué d’Ipsos, par ailleurs analyste politique, sait tout, maîtrise tout. Il est le maître des sondages et des chiffres, donc il ne peut se tromper. Il y a quatre ans, dans un ouvrage sur la « PRAF attitude » (entendez « Plus rien à faire, plus rien à foutre » ), il s’inquiétait de la « vraie crise de la démocratie ». Autrement dit, il s’interrogeait sur ces électeurs qui se détachent de la politique. Il réitère aujourd’hui en estimant que ce détachement s’explique d’une part par le déclin du clivage gauche-droite, d’autre part par la « désextrémisation » de Marine Le Pen (il évoque bien la dame, pas son parti). Et cela risque de conduire les électrices et électeurs en question à ne pas « faire barrage républicain » lors de la présidentielle de 2022. L’éminent spécialiste oublie qu’il est l’un des acteurs principaux du discours ambiant. Il dit regretter un « clivage droite-gauche » mais oublie allègrement l’existence d’un Parti communiste. Il parle de désintérêt de nombreuses Françaises et nombreux Français, mais s’arroge le droit de donner et de banaliser une règle fantaisiste, en estimant que les jeux sont faits. Il oublie enfin un élément essentiel : l’absence d’idées. Ces idées que, très précisément, les communistes et leur probable candidat entendent replacer au cœur du vrai débat.