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Une affaire de ressenti

par Philippe Allienne
Publié le 1er octobre 2021 à 12:24

Écoutons les bulletins météo ou consultons les niveaux de température sur nos smartphones. Deux indications sont disponibles : la température réelle et celle qui est ressentie. Par qui ? On ne sait trop. Mais si nous avons l’impression qu’il fait 0 °C (ou moins) alors que le thermomètre indique 3 °C, nous aurons tendance à douter de l’instrument. C’est une erreur dont nous pourrions nous apercevoir en constatant que l’eau ne gèle pas. C’est exactement comme cela que l’on nous raconte souvent n’importe quoi à propos de la présence de personnes étrangères - ou d’origine étrangère - sur le sol français. Et les politiques migratoires suivent ce mouvement. Le démographe Hervé Le Bras l’explique bien : « Les politiques migratoires se basent non pas sur les chiffres réels mais sur la perception que la population se fait du phénomène. » Or, quand des personnalités politiques, en période pré-électorale, se complaisent à décrire un déséquilibre flagrant dans certaines villes où l’on ne voit pratiquement plus de « blancs », cette logique absurde ne peut qu’être encouragée. Manuel Valls l’a fait en son temps, d’autres le font aujourd’hui. Il n’y a pas besoin de l’extrême droite et de ses thèses fumeuses et mensongères pour jouer au jeu des fake news en matière d’immigration. Prenons l’exemple de Stephen William Smith qui a été journaliste pour différents titres de presse français et qui est maintenant professeur d’études africaines à l’université Duke, aux États-Unis. Il prétend qu’il y aura une ruée migratoire vers l’Europe. En réalité, il se base sur son ressenti. Spécialisé sur l’Afrique, il sait que la population africaine va augmenter d’un milliard de personnes. Soit. Mais il enchaîne sur un ressenti qui n’a rien à voir avec la réalité. Une augmentation d’un milliard de personnes n’entraîne pas de facto une émigration de l’ensemble vers un Eden de toute façon hypothétique. En revanche, on peut s’attendre à ce que ceux qui seront tentés de partir ne seront pas les pauvres. Ils n’en auront pas les moyens. Hervé Le Bras défend pour sa part l’idée d’une migration de « gens compétents ». Quoi qu’il en soit, le fait de jouer avec les peurs et les fantasmes ne peut rien apporter de bon. L’idée du « grand remplacement » n’a décidément aucun sens et mérite d’être combattue de toutes nos forces. Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Encore faut-il savoir lire les bons. Ce que refusent de faire, et ils le revendiquent, les politiciens d’extrême droite. Alors, eux et leurs complices créent des impressions, des ressentis. Ils ne peuvent être que négatifs.