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« Y a d’la joie ! », vraiment ?

par Philippe Allienne
Publié le 9 juillet 2021 à 13:01

«  Y a d’la joie ! » Ainsi titrait le quotidien régional La Voix du Nord dans son édition du 7 juillet, c’est-à-dire au lendemain de la proclamation des résultats du baccalauréat. En appel de titre, la Une du journal annonçait : « 89,4 % de réussite au bac.  » Mais cette joie recèle un drôle d’arrière-goût. Il fut un temps, pas si lointain, où les familles et proches se précipitaient sur l’édition spéciale de leur quotidien pour y découvrir - ou pas - le nom du candidat. Nous soupçonnons mêmes certains d’entre eux (nous en sommes) de conserver cet exemplaire ad æternam. Pour cette fois, c’est raté. Le précieux supplément de 24 pages prévient dans un bel encadré bleu : « Depuis cette année, lors de l’inscription à l’examen du baccalauréat, il est prévu par défaut que le nom du candidat ne soit pas transmis à la presse. Chaque candidat doit donner expressément son accord pour que son nom soit transmis. S’il ne l’a pas fait, son nom ne peut pas être publié dans ce supplément. »Triste époque en vérité. Pourquoi donc proclamer haut et fort, par voie de presse, que l’on est bachelier et qu’une nouvelle vie commence ? Après tout, le bac n’est plus qu’une banale formalité. C’est ce que l’on répète à l’envie depuis des années. Cette année, de nombreux lycéens n’ont même pas eu envie de se rendre dans leur établissement pour découvrir s’ils figuraient sur la liste des lauréats. Leur smartphone leur suffisait, mais surtout, le verdict était souvent connu d’avance. On sait même que l’épreuve écrite a été le plus souvent zappée par la plupart des candidats auxquels le contrôle continu assurait le succès par avance. Voilà en fait le travail du ministre Blanquer pour qui la crise sanitaire est un allié objectif. Grâce à elle, il a pu avancer dans son idée de remplacer les épreuves communes du bac par un contrôle continu comptant pour 40 % de la note finale. Le ministre, et le gouvernement, sont en train de gagner leur triste pari : faire du diplôme national un bac à la carte et local. Ainsi, la valeur du diplôme variera en fonction de l’établissement où l’élève aura été scolarisé. Cette casse du diplôme national est complétée par le dispositif Parcoursup. Loin de la mission de l’école républicaine qui consiste notamment à supprimer - ou aplanir - les discriminations, le système Blanquer assigne les jeunes à leur origine sociale et géographique. C’est un système criminel que celui qui veut casser l’appétit des jeunes et qui refuse d’harmoniser l’enseignement par le haut. C’est un système criminel que celui qui consiste à organiser la désespérance.