Ça pédale dans le yaourt…

par ERIC BOCQUET
Publié le 26 mars 2021 à 10:11

Vous vous souvenez peut-être du billet récent intitulé « Capitalisme inclusif ». Nous y évoquions l’analyse du système par M. Peyrelevade qui nous disait dénoncer, je cite : « Les règles de rentabilité absurdes de Wall Street. » Les exemples fourmillent de licenciements de salarié·e·s, non pas dus à une non-rentabilité économique mais, selon les actionnaires, à une insuffisante rentabilité financière. Je ne souhaite pas ici voler au secours de l’ancien PDG du groupe Danone, Emmanuel Faber, qui put avoir des propos un peu innovants en certaines occasions, mais qui sut aussi supprimer 2 000 emplois au nom de critères rappelés plus haut. Le capitalisme est ainsi fait, c’est sa loi, celle de l’argent roi, des dividendes et des cours de bourse. Et il balaye tout sur son passage, c’est la loi d’airain des affaires. Les actionnaires dictent les choix. Danone est un grand groupe du CAC 40, des dizaines de marques de notre quotidien, 100 000 salariés dans le monde. En 2020, le groupe a dégagé un chiffre d’affaires de 23,6 milliards d’euros et un résultat opérationnel de 3,3 milliards. Soit 14 % de marge. Qui dit mieux ? Mais ça n’est pas encore suffisant aux yeux des « investisseurs ». Il y a quelques semaines, deux « fonds activistes » américains, c’est ainsi qu’on les appelle, sont entrés au capital de l’entreprise. Leurs noms, Artisan Partners et Bluebell Capital… c’est presque joli. Ils ont immédiatement jugé que la marge délivrée par Danone était insuffisante, ils ont demandé la tête du PDG, la performance boursière étant trop faible à leurs yeux. Ce n’est plus le beurre et l’argent du beurre, ils veulent aussi la crème fraîche, les flans, les yaourts et tout cela au détriment de l’humain qui est toujours, invariablement, la variable d’ajustements financiers. Chez Danone, cette fois, le coût c’est 2 000 emplois détruits. Combien de salarié·e·s auront connu une hausse de leurs salaires de 14 % ? Aucun, aucune ! Au Royaume-Uni, le gouvernement vient de proposer une hausse des salaires aux personnels soignants de… 1 % ! Reconnaissance infinie ! Là-bas, comme chez nous, l’indécence est de mise !