Dieu ou le Grand Soir ?

par ERIC BOCQUET
Publié le 19 janvier 2022 à 15:46

Au Sénat, la semaine dernière, nous avions une audition au sein de la Délégation à la prospective, un lieu intéressant de réflexion et d’information, non soumis à l’agenda parlementaire, où les sujets les plus divers peuvent être abordés. Ainsi donc, jeudi dernier, nous avons pu entendre Jérôme Fourquet, un analyste pertinent des évolutions de la société française, auteur en 2019 d’un ouvrage intitulé L’Archipel français. Il a publié en 2021 un autre livre, La France sous nos yeux, une belle analyse des évolutions économiques et sociales à l’œuvre en France ces dernières années. J’ai noté au fil de l’audition certains propos qui suscitent véritablement une réflexion politique de fond. Jérôme Fourquet rappelle que jusque dans les années 70, les trois piliers de l’économie française étaient l’industrie, l’agriculture et la pêche. Une industrie qui pesait 25 % du PIB de la France en 1980, environ 10 % aujourd’hui ; fermeture de 940 sites industriels depuis 2008 et donc des centaines de milliers d’emplois détruits ; un million d’exploitations agricoles il y a 30 ans, 380 000 aujourd’hui. Le pays s’est progressivement désindustrialisé : délocalisation des activités vers des pays à bas coût, développement des secteurs comme la grande distribution, la logistique, le e-commerce et une sorte de civilisation du loisir bas de gamme. Rapprochement saisissant : 1992, année de la fermeture du site de Renault Billancourt et de l’ouverture d’Euro Disney à Marne-la-Vallée, devenu la première destination « touristique » en Europe. Quel symbole ! M. Fourquet nous décrit aussi le phénomène de « démoyennisation », c’est-à-dire un appauvrissement des classes moyennes pour lesquelles le généreux système capitaliste crée une sorte de marché secondaire de la consommation à bas coût, Aldi, Action, Lidl… Il cite l’exemple du véhicule « Dacia » (Renault) produit en Roumanie, vendu à un prix défiant toute concurrence, 7 500 euros. Le phénomène de consommation à tout prix, une société à deux vitesses (Bourgeois et Prolétaires, Karl ?). Jérôme Fourquet nous le résume en disant ceci : « Quand on ne croit plus en Dieu et au Grand Soir, le bonheur c’est ici et maintenant, ce que je peux offrir à mes enfants. » Ces évolutions ne peuvent pas ne pas avoir de conséquences politiques. Pour nous, c’est choisi, pas de Grand Soir mais un vrai projet, un combat pour des Jours heureux.