Il était un petit navire…

par ERIC BOCQUET
Publié le 19 mai 2022 à 18:30

Depuis le déclenchement de la guerre en Ukraine, les pays européens se sont mis d’accord pour infliger aux Russes des sanctions économiques et financières. Elles visent les oligarques, amis proches de Vladimir Poutine. Au moment de l’effondrement de l’ex-URSS, il y a trente ans, la Russie a vu émerger en un temps record des fortunes vertigineuses. Dès les années 1980, certains d’entre eux ont développé leur fortune sur le marché noir en fournissant jeans, ordinateurs, voitures, puis ont fondé des « coopératives » dans le négoce des matières premières, dont le pays regorge. Lors de l’avènement de Boris Eltsine en 1991, ils sont déjà riches et ont des connexions étroites avec les politiques et des grands groupes mafieux. Ils vont aussi toucher le jackpot avec les privatisations de masse orchestrées par le ministre de l’Économie, Anatoli Tchoubaïs. Les industries minières et pétrolières sont « confisquées » grâce à des enchères truquées. Alors, toutes ces fortunes, ces millions accumulés, il faut bien les dépenser. Les oligarques vont dès lors investir dans de somptueuses propriétés, des clubs de football, des yachts. Un des plus connus d’entre eux, Roman Abramovitch, se portera acquéreur en 2000 du château de la Croë à Antibes pour la modique somme de 31 millions d’euros, ce qui doit correspondre à environ 23 846 Smic ! Les États européens s’intéressent également aux yachts, donc. Dans le classement des dix mégayachts les plus chers des oligarques, le premier du tableau, M. Alicher Ousmanov, est propriétaire du Dilbar dont la valeur est estimée à 588 millions de dollars. Abramovitch ne figure qu’en troisième position avec le Solaris qui vaut 474 millions de dollars, un bateau à six ponts, transportant un hélicoptère, il pèse 11 000 tonnes, il mesure 140 mètres de long, c’est-à-dire qu’il ne tiendrait même pas à l’intérieur du stade Bollaert à Lens (un terrain de football mesure en effet 110 mètres de long) ! Son coût de fonctionnement est compris entre 40 et 60 millions de dollars par an, il est enfin immatriculé aux Bermudes pour réduire les frais fiscaux, sans doute. Du calme, il n’est pas à vendre… « Il était un petit navire… »