L’addition s’il vous plaît !

par ERIC BOCQUET
Publié le 2 avril 2021 à 10:55

Une phrase que l’on n’entend pas beaucoup depuis un an, tous les restaurants étant fermés. La semaine dernière, la commission des Finances du Sénat auditionnait Monsieur Jean Arthuis, mandaté en décembre dernier par le gouvernement pour présider une commission chargée de réfléchir à « la définition d’une nouvelle trajectoire des finances publiques crédible et nécessaire pour donner de la visibilité sur notre stratégie de redressement des comptes publics ». Oui, je sais, l’intitulé est particulièrement long et alambiqué, sans doute a-t-il été pondu par les mêmes technocrates de Matignon qui avaient imaginé la mort-née et ubuesque attestation de sortie, il y a deux semaines ! L’un des chapitres du rapport nous dit : « L’endettement de la France s’explique par la succession de déficits. » Ça vaut cette lapalissade : « Le jour de sa mort fut le dernier jour de sa vie. » On pourrait en rire, mais au fond, c’est une façon claire d’éluder d’emblée la question des recettes car, évidemment, un budget ce sont des dépenses mais aussi les recettes. Or, des recettes en nombre ont disparu ces dernières décennies : impôt sur la fortune, crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, exonérations de cotisations, crédit d’impôt recherche (6 milliards par an) et puis, bien sûr, l’évasion fiscale (80 à 100 milliards par an). Mais ce gouvernement l’a dit, on ne crée pas d’impôt ! J’ai eu un très bref espoir à la lecture du rapport, oh, quelques secondes, rassurez-vous… Le rapport préconise un moment « d’écarter l’austérité » et de confirmer plus loin : « Il ne faut pas s’engager dans un programme de réduction des dépenses… » Jusque-là, tout va bien, mais très vite tout se gâte, la chute est terrible : « … dès maintenant. » Après avoir éliminé rapidement les alternatives sur la façon de gérer la dette (nous reviendrons sur le fond de ce sujet dans les prochains mois), Monsieur Arthuis nous dit : « Dès lors, la seule voie possible est la maîtrise des dépenses. » Tout cela est dit en langage fort diplomatique : « Nous devons veiller à ce que la progression des dépenses n’excède pas celle des recettes. » … Rien de nouveau sous le soleil, nous voilà revenus aux années 80 avec le « TINA » de Thatcher, il n’y a pas d’alternative… Au fait, en décembre dernier, dans un billet précédent, j’avais fait un pari à 2 600 milliards. Je m’étais amusé à anticiper les conclusions de la commission qui venait de se mettre en place. La proposition 5 disait : « Il est impératif de réduire la dépense publique » !