L’autre voile

par ERIC BOCQUET
Publié le 15 novembre 2019 à 15:49

Cette nouvelle n’a pas fait la une des journaux mais le gouvernement envisage de supprimer l’Observatoire national de la pauvreté et de l’exclusion sociale (ONPES).

Un tel symbole ne doit certainement pas passer inaperçu. Il fut créé par la loi d’orientation du 29 juillet 1998 relative à la lutte contre les exclusions. L’ONPES est composé, à parité, de représentants des grandes administrations publiques comme l’Insee ou le ministère de l’Économie, par exemple, mais aussi de chercheurs et d’universitaires spécialistes du domaine en Europe et en France. Pendant 20 ans, il a publié dix rapports, de très nombreuses études et recherches et diffusé un tableau de bord annuel sur la pauvreté.

Cette nouvelle intervient quelques semaines après la publication par l’Insee du rapport pour 2018 indiquant une hausse de la pauvreté de 0,6 % (14,7 %). Certains se demandent si l’idée n’est pas de casser le thermomètre pour continuer, en toute discrétion, à ne pas s’attaquer aux causes de la fièvre. Déjà, le gouvernement Balladur avait supprimé, en 1993, le Centre d’études des revenus et des coûts, dont les rapports avaient mis en évidence la montée des inégalités et de la pauvreté. Notre rêve à nous, c’est la disparition de ces organismes quand la pauvreté aura été éradiquée de notre société. Avec Macron, dans la droite ligne de ses prédécesseurs, nous n’en prenons pas le chemin.

L’originalité de l’ONPES est de faire dialoguer deux formes de connaissance de l’exclusion : l’une, expérientielle et l’autre, scientifique. Elle est permise par la mise en œuvre, dès 2014, de méthodologies qui s’appuient sur la participation des personnes concernées par la pauvreté, comme cela a été le cas dans le cadre des groupes de discussion sur l’invisibilité sociale.

Cet observatoire dépasse donc largement les éléments statistiques, nécessaires bien sûr. Le gouvernement ne semble pas goûter ces pratiques, et puisque l’on vous dit que la politique menée commence à porter ses fruits. Pour les plus riches, c’est un fait acquis. Pour les 90 %, on attend encore. On a l’impression que M. Macron voudrait couvrir d’un voile épais cette réalité de la pauvreté dans notre pays, 6ème puissance du monde, 9 millions de pauvres, avec à sa tête un jeune président fringant, ni de droite ni de gauche, sympathique, qui veut relever le pays...

Cachez cette pauvreté que je ne saurais voir !