La République en sous-traitance

Publié le 14 mai 2021 à 10:33

La commémoration du 10 mai 1981 nous amène aussi à évoquer le contexte économique et politique mondial de l’époque. Au Royaume-Uni, Margaret Thatcher était au 10 Downing Street depuis deux ans, et à la Maison Blanche, un cow-boy venait de s’installer, Ronald Reagan. Lors de son discours inaugural, le nouveau président des États-Unis eut cette formule restée célèbre : « L’État n’est pas la solution à notre problème, l’État est le problème. » Ces quelques mots résument parfaitement la nouvelle idéologie du néo-libéralisme qui s’installait dans le monde ; sa philosophie centrale reposait sur la seule vérité du marché, traduction concrète : financiarisation, privatisations, réduction de la dépense publique pour l’essentiel. La France résista quelque temps puis finit par céder à la pression du marché et du libéralisme. Et depuis, le travail de réduction du rôle et du poids de l’État en France n’a pas cessé, comme le montre la dernière note du collectif Nos services publics publiée en avril 2021. Son titre : « 160 milliards d’externalisation par an : comment la puissance publique sape sa capacité d’agir.  »

Vers l’externalisation des services publics

Externalisation veut dire confier à un acteur privé la réalisation de tout ou partie de l’action publique, c’est l’histoire des concessions et délégations de service public. Ce mouvement a connu une accélération récente que l’on peut dater du milieu des années 1990. Le recours à l’externalisation peut aujourd’hui être estimé à 160 milliards par an. Ce recours désormais massif à l’externalisation soulève des questionnements qui mettent en jeu la capacité de la puissance publique à agir au quotidien et à prendre des décisions souveraines... À partir du XVIIIe siècle, cette externa- lisation fut cantonnée à la construction des infrastructures nécessitant un apport important de capitaux : canaux de navi- gation au XVIIIe, puis les chemins de fer, éclairage public ou adduction d’eau potable par exemple. Cette intervention technique et financière s’accompagne aussi de l’installation progressive d’un cadre intellectuel, idéologique nouveau et amène entre autres la RGPP (révi- sion générale des politiques publiques) entre 2007 et 2012, la MAP (modernisa- tion de l’action publique) sous François Hollande, avec baisse de l’emploi public en fil conducteur. Nous ne voulons pas du tout État, nous avons besoin d’un État fort, souverain et efficace. Prenons garde qu’une République sous- traitée, ne finisse pas mal traitée !