Le grain de sable...

par ERIC BOCQUET
Publié le 4 décembre 2020 à 12:09

La semaine dernière nous avons vécu au Sénat un incident de séance peu banal. Nous étions dans l’examen du plan de relance. Notre collègue Victorin Lurel (groupe PS), Guadeloupe, défend un amendement demandant une augmentation des moyens afin de faire face à la situation économique et sociale difficile des territoires ultramarins. Le rapporteur général de la commission des finances et le ministre émettent un avis défavorable. On passe au vote, l’amendement est adopté. Seulement cet amendement a un coût budgétaire de 2,5 milliards d’euros, ce qui signifie que cette adoption « consomme » quasiment la totalité des crédits et de ce fait les amendements suivants ne pouvaient plus être présentés, ils «  tombaient » automatiquement. Petit moment de panique à la commission et à la séance où une suspension de séance est demandée pour régler l’affaire. Une petite heure d’attente, réunion expresse de la commission, il faut trouver d’autres crédits pour les autres amendements. On gratte ici et là… on bricole une solution pour que l’examen du budget puisse se poursuivre ! Un seul amendement suffit à enrayer la belle mécanique budgétaire, une sorte d’effet papillon, un grain de sable. À la reprise des débats, les interventions se multiplient. J’interviens à mon tour. Nous atteignons ici les limites de nos règles budgétaires et pourtant il est clair qu’a été organisée, ces dernières décennies, la quasi-impuissance du Parlement. Citons dans l’ordre tous les verrous et contraintes mis en place par le système. En 2001 la loi organique des lois de finance qui encadre sérieusement les dépenses, puis est venue la loi de programmation des finances publiques, ajoutons-y les recommandations de la Cour des Comptes, puis les avis du Haut Conseil des finances publiques, les marchés financiers à qui nous empruntons, les agences de notation (toujours là mais discrètes depuis la crise de 2008) qui menacent de dégrader notre note. Sachez aussi que dans la Constitution existe l’article 40 qui interdit tout amendement qui entraîne une dépense supplémentaire, les contraintes européennes qui interdisent de toucher à la TVA, les commissions mixtes paritaires entre Assemblée et Sénat qui rabotent tout ce qui déplaît à une majorité redevable et tout acquise au président… Jupiter. Alors, il est où le pouvoir parlementaire ? Sommes-nous bien en démocratie ? Mais voyez-vous, parfois, un petit grain de sable peut tout faire exploser…