Le paradis prévu

par ERIC BOCQUET
Publié le 27 août 2021 à 10:30

Un écho au paradis perdu lorsque Adam et Ève perdirent à jamais le droit de vivre au Jardin d’Éden. Une sorte de domaine spirituel où les âmes jouissent de la paix et du bonheur éternel. Un serpent malveillant invita Adam et Ève à croquer le fruit défendu, ils cédèrent à la tentation... chacun connaît la suite. Heureusement pour l’humanité, les GAFAM travaillent au salut de notre espèce. En effet, Google et consorts s’activent pour rendre le monde meilleur disent-ils, rien de moins. C’est la lecture d’un ouvrage passionnant de M. Éric Sadin qui m’en a convaincu : L’intelligence artificielle ou l’enjeu du siècle (éd. L’échappée). Un sujet abordé assez régulièrement dans ce billet que celui du monde du numérique. Au-delà des aspects financiers et capitalistiques de ces mastodontes, il existe une dimension politique au sens profond du terme. Ils ont une vision du monde et travaillent avec ardeur à la mise en place d’un « vaste mouvement d’automatisation du monde  », comme le définit l’auteur de l’ouvrage. L’informatique des débuts, dans les années 70, au siècle dernier, visait essentiellement à gérer les données et à fournir au genre humain de l’information. Nous sommes passés au début des années 2000 à un projet d’orientation de l’action humaine dans tous les domaines. Une citation du livre bouscule notre réflexion : «  Une des visées majeures de l’industrie du numérique consiste à faire main basse sur le domaine de la santé, envisagé avec ceux de la voiture autonome, de la maison connectée et de l’éducation, comme les plus décisifs et pour lesquels elle entend se doter de tous les moyens nécessaires afin d’asseoir, à terme, une domination sans partage. » Fin de citation. Par ailleurs, le vrai danger réside dans le fait que le monde du numérique imagine un monde sans contraintes, ni fiscalité, ni régulation, ni transparence et surtout pas d’État. Détestation de toute instance intermédiaire, construction d’un État minimal assurant l’ordre et laissant la gestion des affaires du monde aux grands groupes. C’est au fond la fin de la politique qui est visée, laissons faire, selon eux, la main très visible d’un marché numérisé, globalisé, dérégulé et financiarisé. Nous irions vers une sorte de technolibéralisme, avec une « bonne gestion algorithmique ». Ne jetons pas pour autant par-dessus bord le numérique, faisons-en plutôt un formidable outil d’émancipation collective favorisant la justice sociale et le progrès humain. Là non plus, aucune fatalité, le paradis sur terre est à construire !