Les autoroutes du bonheur...

par ERIC BOCQUET
Publié le 2 octobre 2020 à 10:15

Ainsi donc, il y a quelques jours, la commission d’enquête du Sénat sur les concessions autoroutières a rendu son rapport.

Durant six mois, malgré les difficultés d’organisation liées à la Covid-19, nous avons auditionné de multiples personnalités et rassemblé quantité de documents.Si Dominique de Villepin déclara que l’État avait fait une bonne affaire en privatisant les concessions d’autoroutes en 2006, ce patrimoine public vendu 14,8 milliards d’euros, je n’ai pas eu le sentiment qu’il a convaincu les membres de la commission d’enquête, dont j’étais, pas même les plus libéraux d’entre eux. J’ai eu l’occasion d’interroger Gilles de Robien lors des auditions, il était personnellement opposé à ce projet de privatisation, je lui demandais la motivation fondamentale de ce choix. Sa réponse fut très laconique : « Motivation strictement financière. » Point.

En effet, M. De Villepin voulait être le Premier ministre qui aurait réduit la dette. J’ai jeté un coup d’œil, son montant était, fin 2006, de 1 142 milliards d’euros, le montant de la vente représentait 1,2% de cette dette ! Trois groupes se sont ainsi emparés de la poule aux œufs d’or : Eiffage, Vinci et Abertis. Tous les travaux ont montré que la rentabilité des autoroutes ne s’est jamais démentie. Au bout de quelques années d’exploitation, l’affaire était amortie et les actionnaires d’applaudir.Les auditions des anciens ministres Eckert et Royal furent tout aussi édifiantes. L’un comme l’autre déclara avoir été tenu à l’écart des discussions entre l’État et les concessionnaires privés...

Un autre témoignage, une personne que je ne peux nommer (c’était une audition du seul rapporteur à laquelle nous assistions par visioconférence et ne donnant lieu à aucun compte-rendu), cette personne était un ancien conseiller de la Cour des Comptes... elle nous explique que les échanges avec les groupes privés étaient « déséquilibrés »,que si un fonctionnaire se montrait un peu trop zélé dans les contrôles, un coup de fil du PDG « au plus haut niveau » pouvait compromettre son évolution de carrière... Les concessions courent jusqu’en 2031 et d’ici-là, le rapport indique que les dividendes attendus s’élèveront à 40 milliards d’euros... malgré tous ces constats, la majorité libérale de la commission a évacué l’option « renationalisation des autoroutes » au nom de la dette. La boucle est bouclée.Dès lors, je n’avais d’autre option que l’abstention sur le vote du rapport et la bataille politique de continuer.