Les détails du Diable…

par ERIC BOCQUET
Publié le 3 mai 2022 à 17:29

Au printemps dernier, celui de 2021, fut annoncé un accord historique pour appliquer une taxation mondiale aux entreprises multinationales. Ces discussions venaient à la suite de l’annonce faite par Joe Biden d’un taux d’imposition mondial à 21 % pour les grands groupes. L’espoir naissait que les États allaient enfin récupérer par l’impôt l’argent qui leur est dû. Un accord fut ensuite trouvé parmi les représentants du G7 en juin. Toutefois la barre initiale des 21 % avait déjà été abaissée à 15 %, Biden avait subi la pression des grands groupes américains concernés et du Congrès (le Parlement des États-Unis). Rappelons ici que le président américain ne dispose pas d’une majorité au Sénat, Républicains et Démocrates disposant chacun de la moitié des sièges. Et puis c’est en regardant de près les termes de l’accord international que l’on pense à cette formule célèbre : « Le diable se cache dans les détails. » Voyons un peu. Les entreprises concernées pourront pendant dix ans exclure des calculs 8 % de la valeur des actifs réels et 10 % de la masse salariale. Ensuite, 25 % des bénéfices seront taxés au-delà d’un seuil de rentabilité de 10 %. Ce qui fait qu’une entreprise comme Amazon pourrait échapper à cet impôt car sa marge bénéficiaire était de 6,3 % en 2020, avec un chiffre d’affaires de 44 milliards d’euros en Europe et 108,5 milliards au niveau mondial, + 44 % par rapport à 2019. Vive la pandémie. Enfin seraient également exclues de l’accord les industries extractives (pétrole, minerais…) et les services financiers règlementés. Au bout du bout, nous arrivons donc à des règles fiscales « usine à gaz », beaucoup de spécialistes de ces sujets constatent que les règles complexes sont les plus faciles à contourner. Ça promet… Alors où en sommes-nous en ce printemps 2022 ? Les discussions sont en cours au sein des États membres de l’Union européenne. On apprend ainsi, via un article de presse récent, que la Pologne s’oppose à la mise en œuvre de cet accord, pourtant très minimaliste, qui laisse la part belle aux multinationales… Certes, nous dit l’article, la Pologne est isolée au sein de l’Union européenne, mais sur les sujets fiscaux il faut l’unanimité des États membres, donc rien n’est fait. Voilà un beau sujet pour alimenter la campagne des législatives, il est de l’intérêt de tous de toucher au grisbi, que diable !