Macron pourfend les inégalités !

par ERIC BOCQUET
Publié le 16 avril 2021 à 11:01

Nous ne sommes jamais au bout de nos surprises avec Jupiter. Il l’avait promis aux « Gilets jaunes », il l’a fait. Il veut supprimer l’École nationale d’administration (ENA). Jupiter entend ainsi mettre fin aux terribles inégalités qui minent la société française… on a presque envie de soutenir cet objectif mais, malheureusement, la méthode employée ne convient nullement. Emmanuel Macron n’a jamais mené une politique visant à pourfendre les inégalités depuis 2017. Le bilan de cette année de pandémie en France, c’est quatre milliardaires de plus d’un côté et 12 millions de personnes vivant sous le seuil de pauvreté de l’autre. Le docteur Macron voudrait nous faire croire qu’il va faire disparaître les inégalités, telle une fièvre, en cassant le thermomètre ! L’ENA fut créée au sortir de la Seconde Guerre mondiale par Maurice Thorez, ministre communiste, en même temps qu’il élabora le statut de la fonction publique. Notre camarade Anicet Le Pors, ministre lors de l’alternance de 1981, institua une troisième voie d’accès à l’ENA, avec comme objectif de « démocratiser » un peu son recrutement… mais fondamentalement, la justice et l’égalité des droits ne furent pas réglés par cette réforme, malheureusement. C’est notre société qui est profondément inégalitaire. Les sociologues Pierre Bourdieu et Jean-Claude Passeron publièrent un ouvrage référence en 1964, Les Héritiers, un livre qui s’appuyait sur de multiples statistiques visant à mesurer « l’inégalité » des chances, des droits devrait-on dire. À cette époque, il n’y avait dans l’enseignement supérieur que 6 % de fils d’ouvriers. Qu’en est-il aujourd’hui ? À l’ENA, les deux tiers des étudiant·e·s sont des filles et fils de cadres alors que les enfants d’agriculteurs, d’ouvriers et d’employés ne représentent que 15 % des effectifs de chaque promotion. Pour les ouvriers, nous n’en sommes toujours qu’à 6 %, 57 ans plus tard ! Combattre les inégalités sociales ne relève pas d’artifices de communication. À l’entrée au cours préparatoire à l’école primaire, 10 % des enfants entrants disposent de moins de 500 mots au lieu des 1 200 en moyenne pour les autres. Langage, pensée, réflexion, lecture, études… ça commence là !