Madame la Commissaire

par ERIC BOCQUET
Publié le 22 mars 2021 à 11:56

Nous n’allons pas, aujourd’hui, nous orienter vers le genre roman policier, non, je voudrais simplement évoquer avec vous l’audition du 4 mars dernier par la commission des finances du Sénat, de Madame Mairead McGuinness. Vous ne serez pas surpris si je vous dis qu’elle est irlandaise. Mais elle est surtout chargée, à la Commission européenne, des services financiers, de la stabilité financière et de l’union des marchés de capitaux, vous le voyez, un petit sujet. Il y eut, en fin de compte, assez peu de questions. Pour ma part, j’ai interrogé Madame la Commissaire sur trois sujets qu’elle n’avait pas évoqués dans son propos introductif. D’abord, sur la place financière de Londres, la City, après le Brexit. Boris Johnson a annoncé l’an dernier qu’il allait créer, sur le territoire britannique, dix ports francs (des zones de stockage opaques, inaccessibles, couvertes par le secret) afin d’accroître l’attractivité financière et fiscale du Royaume-Uni. De telles entités existent déjà au Luxembourg, à Genève... Nous pourrions ainsi nous retrouver à 30 kilomètres de Calais avec un Singapour sur Tamise. Le deuxième sujet concernait les récentes révélations sur les pratiques fiscales du Luxembourg dites « OpenLux ». Pour mémoire, 55 000 sociétés offshore détenant 6 500 milliards d’euros d’actifs (le PIB de la France avant Covid était de 2 400 milliards), tout cela au cœur de l’Europe. Enfin, dernier sujet, j’ai évoqué l’existence de paradis fiscaux en Europe, non membres de l’UE, notamment Jersey, Guernesey et l’Île de Man (entre l’Irlande et la Grande-Bretagne). Faites l’expérience vous-même (par exemple Amedia Partners), vous pourrez créer votre société, ouvrir un compte bancaire en quelques jours à peu de frais, et au bout, c’est zéro impôt ! Ni vu, ni connu ! Sur ces trois points, Madame la Commissaire ne répondit pas dans un premier temps. Relancée par le président de la commission des finances ensuite, elle tint des propos très généraux que l’on pourrait qualifier aisément de langue de bois. Voyons ce que cette dame nous dit : « Nous voulons comprendre ce que le Royaume-Uni a en tête... Il nous faut être vigilants... lorsque nous prendrons peut-être des décisions... il faut mettre en place une supervision à l’échelle européenne... je reste confiante... Il faut y regarder de près... une meilleure coordination... nous serons très fermes sur ce point. » Quelles mesures ? Quel calendrier ? Et surtout quelle volonté politique ? Il nous faut collectivement créer le rapport de force. C’est aussi et surtout une question démocratique. Pour mémoire les commissaires ne sont pas comptables devant les peuples, ils et elles ne sont pas élu·e·s et n’ont donc aucune légitimité démocratique, nommé·e·s pour imposer la feuille de route de cette Europe libérale. Imposons le sujet des paradis fiscaux à la Commission !