Mauvaise blague Carambar

par ERIC BOCQUET
Publié le 5 février 2021 à 10:59

Nous nous sommes rendus en délégation, vendredi dernier, sur le site de l’usine Carambar de Marcq-en-Barœul. Les salariés y sont en lutte depuis plusieurs semaines après l’annonce par la direction du transfert de l’activité sur un site voisin de Bondues. Rien de délirant dans cette idée de déménagement mais, au passage, elle prévoit une baisse de la rémunération des 112 salariés. Décision absolument inacceptable. Thierry Gaillard, PDG du groupe Carambar & Co a déclaré : « Certains niveaux de rémunération sont déconnectés du marché. » Alors, on essaie d’explorer le sujet et l’on découvrira que l’usine fait partie d’une galaxie beaucoup plus large, elle est même planétaire, elle appartient au groupe Eurazeo. Eurazeo, c’est un fonds d’investissement qui gère un portefeuille de 430 entreprises. Un montant de 18,8 milliards d’euros d’actifs sous gestion, hormis Carambar, Poulain, Kréma, Lutti, La Pie qui chante, Rochers Suchard... Il est présent dans de très nombreux domaines, finance et services financiers, plus de 3 400 banques et institutions dans l’UE, production d’énergie durable, agroalimentaire... Eurazeo est dirigé par un Conseil de surveillance qui compte des membres « prestigieux », un ancien collègue LR du Sénat, l’épouse d’un PDG de la Société Générale, la présidente de la Française des jeux récemment privatisée... Ces gens-là préfèrent les dollars aux caramels. L’action du groupe a crû de 18 % entre 2013 et 2018. Lors de l’Assemblée générale des actionnaires du 30 avril 2020, il fut décidé d’augmenter le dividende de 10 % afin, je cite le compte-rendu, « de récompenser les actionnaires détenant des titres au nominatif de façon continue pendant au moins deux ans... » Fichtre ! Voilà une illustration concrète et parfaite de ce que l’on appelle le capitalisme financiarisé. Donc ce n’est pas le capital qui coûte cher, pour ces valeureux dirigeants, mais plutôt le travail. La direction avait proposé aux salariés une prime d’incitation de 8 000 euros, ramenée subitement à 3 000 euros, puis une dégressivité des salaires sur quatre ans pour arriver au niveau des salaires de l’usine Lutti de Bondues... Au fait, dans ma pérégrination documentaire sur Eurazeo, j’ai découvert que le groupe avait une entité au Luxembourg, « Eurazeo Funds Management », ceux qui s’occupent des sous, et l’adresse c’est 25, boulevard Royal... Ça ne s’invente pas. On va gratter un peu !