Notre-Dame de la générosité

par ERIC BOCQUET
Publié le 26 avril 2019 à 17:00 Mise à jour le 29 avril 2019

Croyants ou pas, nous avons tous étémeurtris par l’incroyable incendie qui a, en partie, détruit la cathédrale Notre-Dame àParis. Incroyable aussi de constater qu’un tel événement a pu, àcertains égards, révéler certains aspects de la crise sociale et politique que notre pays traverse depuis maintenant six mois.

En effet, au lendemain de la catastrophe nous avons entendu les annonces fracassantes des milliardaires de France décidant de verser ensemble plusieurs centaines de millions afin d’aider àla reconstruction de l’édifice. Très bien. Peut-être découvrira-t-on, dans quelques siècles, les visages de ces généreux donateurs sculptés dans la pierre, comme au Moyen Âge. Lu dans le quotidien belge Le Soir, les déclarations d’un intellectuel qui dénonçait ces pratiques : « La tragédie de Notre-Dame confirme ce que l’on pressentait, àsavoir que les capitaines d’industrie se comportent aujourd’hui comme le faisaient les « grands » sous l’Ancien Régime. Ils donnent selon leur volontéen le faisant savoir tout en payant une armée de fiscalistes et d’avocats pour optimiser leur situation financière et échapper autant que possible à l’impôt. » Alors toutes les questions surgissent à nouveau, la richesse, les inégalités, l’ISF, l’évasion fiscale... Quasimodo et Esmeralda ne se doutaient certainement pas qu’un jour Notre-Dame entrerait dans le débat et dans des circonstances aussi « tragiques ».

En remontant un peu plus loin dans le passé, jusqu’au XVe siècle, nous pensons également au commerce des indulgences. En 1476 le Pape Sixte IV décréta que l’on pouvait acheter des indulgences afin de réduire le temps de purgatoire qui vous était promis, compte-tenu des péchés que vous aviez commis. Ce privilège était, bien sûr, réservé aux nobles et aux riches bourgeois de l’époque. Le serf, le gueux, le manant, en cas de péché, était vouéaux flammes de Lucifer.

Cette pratique fut l’une des causes de la naissance du protestantisme qui l’assimilait àune forme de corruption par l’argent. M. François Pinault s’est senti obligéde dire qu’il renonçait à la réduction d’impôt de son don de 100 millions àNotre-Dame. Décidément, les Gilets jaunes, depuis le début, posent les bonnes questions, pour l’essentiel.Enfin, la préservation de notre riche patrimoine ne peut dépendre que de la volonté de « généreux » mécènes profitant de niches fiscales, mais bien d’une volontépolitique nationale forte et constante, faisant payer l’impôt juste àtous.