Ce soir, on crèche à l’hôpital

par Lydie LYMER
Publié le 23 décembre 2022 à 08:07 Mise à jour le 21 décembre 2022

Noël, c’est toute une préparation. D’abord, il y a les plannings, discutés longtemps avant. Le dernier arrivé a toutes les chances de travailler, surtout s’il n’a pas d’enfant. Il faut anticiper les trous dans les tableaux. Pour 2000 à 3000 € la garde de 24h, on peut espérer trouver un médecin. Côté para-médical, on s’arrange. L’un fait Noël, l’autre nouvel an. La composition des équipes ressemble au tirage du loto. Sans numéro complémentaire. On sait que les effectifs seront restreints. Que les spécialistes d’astreinte rechigneront à se déplacer. Et qu’il y aura du boulot. On espère un peu de convivialité autour d’un repas partagé. On scotche une feuille sur un tableau. On inscrit ce qu’on apportera. Un drap d’hôpital sur une table, une guirlande déplumée, et l’ambiance y est. On tente de se retrouver en début de soirée, entre les sutures de doigts tranchés par les couteaux à huîtres, les fièvres des enfants qui doivent être en forme pour ouvrir leurs cadeaux, les épidémies, et les urgences habituelles. L’équipe n’est jamais au complet. On se relaie autour du buffet, bip à la ceinture et téléphone prêt à dégainer. On se raconte nos premiers faits d’arme. Dans ce décor improbable naît une forme de compagnonnage. Le coup de feu peut survenir n’importe quand. Le classique œdème pulmonaire de l’insuffisant cardiaque qui a fait non pas une entorse à son régime sans sel, mais une fracture. Les conflits familiaux qui dérivent et échouent aux urgences avec leurs cortèges de symptômes, des difficultés respiratoires à la douleur thoracique. Surtout, ne pas rater une urgence vitale. Les ambulanciers et les pompiers se relaient. On se transmet un dossier, on partage un malade et un toast. On se reconnaîtra, plus tard. Parce qu’on a un bout d’histoire en commun. Viendront ensuite les accidents. Un jeune homme tombera de sa moto dans une flaque illuminée par les étincelles que projettent des câbles. On croisera immanquablement la gendarmerie, la police. On se comprendra d’un regard. On attendra la relève qui amènera des viennoiseries chaudes et réconfortantes. Loin de nos familles, c’est peut-être dans cette solidarité bienveillante que nous verrons le miracle de Noël.