Entre Capricorne et Cancer

par Lydie LYMER
Publié le 14 octobre 2022 à 12:49

Ah... Les tropiques ! On pense tout de suite soleil, sable fin, palmiers et eaux turquoises. On oublie que ses territoires d’outre-mer offrent à la France la deuxième zone économique exclusive mondiale après les États-Unis. Un empire maritime de 11 000 km² dont la France peut exploiter les ressources, qu’il s’agisse de pêche ou d’extraction de pétrole ou de minerais. Les Départements et Régions d’Outre-Mer, peuplés de 2,8 millions d’habitants, contribuent à l’activité économique de la France. Les services à la population sont censés être les mêmes. Mais les inégalités persistent, voire s’aggravent. L’INSEE pointe la mortalité infantile et maternelle, deux fois plus élevée qu’en métropole. Les cancers sont plus fréquents. En Guadeloupe, on note « 1528 nouveaux cas de cancer par an, toutes localisations confondues » dont 62 % chez les hommes. En tête de liste, le cancer de la prostate. Même constat en Martinique. Une étude récente incrimine « la pollution environnementale par les pesticides et particulièrement la chlordécone », produit ultra-toxique classé comme potentiellement cancérigène par l’Organisation Mondiale de la Santé dès 1979, et pourtant utilisé dans les bananeraies jusqu’en 1992. Le produit « doit faire l’objet de recherches  » pour déterminer s’il favorise d’autres cancers que celui de la prostate. En tout cas, la chlordécone augmente le risque de prématurité et de troubles du développement psychomoteur des nourrissons. L’Institut National de la Santé et de la Recherche Médicale l’a démontré en 2012. Chez la femme, le cancer le plus fréquent est celui du sein. Les malades sont de plus en plus jeunes. Le manque de prévention, le retard de diagnostic, une offre de soins insuffisante font que cette pathologie est redoutable et redoutée. L’observatoire sociétal des cancers attirait l’attention en 2021 sur l’injustice et la perte de chance qui frappent les ultra-marins. Ils doivent parfois recourir à une évacuation sanitaire pour accéder aux soins. Faute de ressource locale adaptée, certains patients d’outre-mer gagnent à leurs frais la métropole pour y être pris en charge. Sous les sunlights des tropiques, la vie n’est pas plus rose qu’ailleurs. Même en octobre.