Face à l’amer

par Lydie LYMER
Publié le 9 décembre 2022 à 14:03 Mise à jour le 27 octobre 2023

Faustine [1] vient de perdre sa mère. Depuis sa congestion cérébrale il y a deux ans, elle était dépendante. Faustine pensait qu’à 81 ans, sa mère serait mieux chez elle qu’en EHPAD où circulait le Covid. Et de toute façon, elle n’avait pas les moyens de payer une maison de retraite. Son employeur l’a dissuadée de prendre un congé proche aidant, durant lequel elle n’aurait d’ailleurs pas acquis de droits pour la retraite. Alors avec la réforme qui s’annonce... Puis l’allocation de 59€59 par jour n’aurait pas compensé sa perte de salaire. Et Faustine a deux filles dont l’aînée est en première année d’école d’infirmière. Les services de soins à domicile étant débordés, elle s’est occupée de sa mère, jusqu’au bout.

Quand son état s’est brusquement dégradé, elle l’a conduite aux urgences. Même si « le tri dans les hôpitaux n’existe pas  » comme l’affirme Olivier Véran, « il y a une organisation des soins ». La gériatrie, ça s’organise à la maison. Faustine a demandé une Hospitalisation à domicile (HAD) qui peut être instaurée en moins de 48h quand « toutes les conditions sont requises  ». C’est comme la petite phrase accélérée qui ponctue une publicité et qui détaille à une vitesse incompréhensible le cadre d’une offre promotionnelle. Pour Faustine, les conditions n’étaient pas remplies. Le médecin traitant devait donner son accord. Il ne se déplace plus en visite. Et Doctolib ne proposait pas de rendez-vous avant janvier. Il fallait attendre l’avis du médecin coordonnateur de l’HAD lors d’une commission d’admission hebdomadaire.

Un samedi, elle a réussi à faire venir le médecin de garde, qui a prescrit des piqûres de morphine. Mais elle n’a pas trouvé d’infirmière, alors c’est sa fille qui a réalisé elle-même les injections. Faustine a veillé sa mère lors de ce qu’elle décrit comme « trois jours horribles d’agonie ». Alors que s’ouvre la convention citoyenne sur la fin de vie et une mission parlementaire chargée d’évaluer la loi Claeys Leonetti, Faustine espère que les moyens seront donnés aux soins palliatifs pour accompagner les gens dans la dignité. Parce que son mari est en phase terminale d’un cancer du poumon. Et elle ne se sent pas capable de revivre ça une deuxième fois.

Notes :

[1*Le prénom a été modifié.