Le sens des maux

par Lydie LYMER
Publié le 9 septembre 2022 à 15:48

Les éléments du langage que nous utilisons fourmillent de sous-entendus. Pour un professionnel de santé, la personne soignée est un patient. Pour l’administration, c’est un client. Le débat n’est pas que sémantique. Le terme client suggère une relation financière. Le mot latin « patiens » désigne celui qui souffre, qui endure. Étymologiquement, le patient attend d’être pris en charge. Il est passif. À la différence du client qui lui, est actif. Il collabore avec un professionnel pour résoudre ses problèmes. Il est acteur de sa santé. Et progressivement, la déontologie disparaît au profit de la rentabilité. Car au sens strictement économique, l’actif correspond aux éléments utilisés par une entreprise pour les besoins de ses activités. Alors que le passif représente l’ensemble des dettes de la société. Par analogie, doit-on considérer que le patient passif est responsable des dettes de la société, à savoir le fameux trou de la Sécu ? Le secteur public préfère le terme « usager ». Le client n’est dans ce cas pas l’usager, mais l’organisme payeur : assurance maladie, mutuelle complémentaire, assurance privée. Mais le bénéficiaire des soins est le créancier de l’organisme payeur, via ses cotisations ou ses contrats. En comptabilité, l’actif circulant comporte entre autres les stocks, les matières premières, les travaux en cours, les marchandises. Quelle est la marchandise d’un hôpital ? Ces similitudes de langage, ça dérange, non ? Comme l’explique le Dr Stéphane Velut dans son essai « L’hôpital, une nouvelle industrie », on passe «  d’un hôpital de stock à un hôpital de flux. On parle même d’hôpital aéroport ». En langue de bois, cela signifie « gardez les malades le moins longtemps possible ». Pour réguler les flux, faut-il des médecins ou des gestionnaires ? Un article du New Yorker révèle que sur « les quatre dernières décennies, le nombre d’administratifs travaillant dans le domaine des soins a augmenté de 3200 %  » quand le nombre de médecins n’a augmenté que de 150 %. L’hôpital devient une entreprise qui offre des prestations de soins que les usagers consomment. Reste qu’un client dispose de son libre arbitre. Alors qu’on ne choisit pas délibérément d’être malade.