Magie noire

par JEROME LEROY
Publié le 1er mai 2023 à 14:47 Mise à jour le 28 avril 2023

Ne jamais écouter la radio le matin pour éviter de commencer la semaine d’une humeur de chien et oublier, comme disait un chanteur de ma jeunesse, de déjeuner en paix. La matinale de France Culture, qui est mon dernier refuge – n’ayant jamais supporté les zumoristes macronistes de gauche de France Inter et le mélange info-rigolade qui n’est jamais que du Hanouna pour bac + 4 – la matinale de France Culture, donc, reçoit lundi deux économistes qui sont des caricatures d’orthodoxie libérale. On pourrait être en 1985, c’est toujours les mêmes bêtises dangereuses, les mêmes analogies foireuses entre un pays et une famille : « On peut pas dépenser plus que ce qu’on gagne, nia nia nia. » La mystique de la dette, et de son remboursement, la soumission aux marchés financiers qui ont toujours fait n’importe quoi et de la manière la plus irrationnelle qui soit (c’est quand même une idéologie qui se présente comme science mais qui utilise un langage de magie noire, avec des « harmonies spontanées » et « des mains invisibles »), cette mystique donc, c’est ce qui explique la tiers-mondisation des services publics, les Français qui commencent à sauter des repas pour cause d’inflation, les horaires du TER devenus purement indicatifs, les agonies aux urgences. Les types qui déroulent tranquillement leur catéchisme sénile osent dire, dans un pays en pleine guerre sociale, que le relèvement de l’âge de la retraite est un bon moyen de réduire la dette (et le chômage des seniors, pomme ?). Ils se paient même le luxe, ces têtes de mort, « de craindre l’arrivée d’un gouvernement “populiste” » dont ils sont les plus évidents fourriers. On conseillera donc un livre comme antidote à ce grand moment d’abrutissement et de propagande néolibérale : “Gouverner par la dette” de Maurizio Lazzarato (Editions Amsterdam) qui explique parfaitement que cette mystique de la dette n’a aucune rationalité économique mais est un moyen politique du capitalisme pour faire régner l’ordre plus sûrement qu’avec des flics ou des chars.

Dernier livre publié : “Les derniers jours des fauves” (Folio Policier)