Mon cas m’isole

par Lydie LYMER
Publié le 2 décembre 2022 à 14:11

Les psychiatres étaient en grève, mardi 29 novembre, brisant le silence assourdissant qui entoure la psychiatrie. La crise sanitaire a altéré la santé mentale des Français, et révélé l’état de délabrement de ce secteur. Rien qu’en Île de France, près de 70 000 personnes errent en dehors de toute institution. « 60 % sont des malades mentaux ». Le domaine de la psychiatrie s’étend bien au-delà des troubles dépressifs qui touchent 47 % des Français. Psychopathies, schizophrénie, addictions sont autant de pathologies accompagnées de leur lot de violences. Les frontières entre hôpital et tribunal sont parfois floues. La notion de consentement aux soins superflue. Alors que le nombre de lits recule, des milliers de personnes sont hospitalisées sous contrainte chaque année. En mars dernier, la Contrôleure générale des lieux de privation de libertés saisissait la justice. À l’hôpital Jean-Baptiste Pussin de Lens, « un nombre important de dysfonctionnements graves portant atteinte à la dignité des patients et à leurs droits fondamentaux » avait été constaté. En psy, les patients attendent un entretien en partageant leurs clopes et leurs histoires. On est loin de l’art thérapie ou de la médiation animale. Les passages à l’acte agressifs conduisent à la contention au moyen de sangles fixées au lit d’une chambre d’isolement. Quelques mètres carrés sous video-surveillance. Quels sont les bienfaits d’un tel traitement ? La contention est vécue comme un acte de domination dont le sentiment de rage et d’impuissance s’inscrit dans la mémoire de celui qui la subit. Sert-elle réellement à protéger ponctuellement le patient du danger qu’il représente pour lui-même ou autrui ? Le comité européen de prévention de la torture a déjà pointé les risques d’abus d’une mesure qui ne doit pas pallier le manque de personnel et à l’insécurité des équipes en sous-effectif.

En Europe, certains pays ont abandonné cette méthode au profit du langage corporel et l’accolade pour désescalader une crise et négocier les conditions de l’apaisement. Lucien Bonnafé écrivait en 1992 qu’« on juge du degré de civilisation d’une société à la façon dont elle traite ses fous ». Trente ans plus tard, quels moyens se donne-t-on ?