Plus d’oseille dans la sauce

par Lydie LYMER
Publié le 17 février 2023 à 10:08

J’ai suivi Pierre presque dix ans. Au collège, il était en surpoids. Et l’objet de moqueries. Quand il est parti à la fac, à 150 bornes, il ne revenait pas souvent. À l’époque déjà, les trajets coûtaient cher. Il a maigri de 20 kilos en un an. Un jour, il a perdu connaissance en cours. Sa mère affolée pensait anorexie, drogue. Mais non. Il était dénutri. Il m’a avoué le regard fuyant qu’il n’avait pas les moyens de s’alimenter régulièrement. Il n’osait pas le dire. Sa mère économisait sur tout pour payer ses études. C’était en 2015. L’année où le corps sans vie d’Abdallah El Anfani était retrouvé dans sa chambre de résidence universitaire à Villeneuve d’Ascq, et dont la mère martelait qu’il était mort de faim. 56 % des étudiants confient ne pas manger à leur faim. Les files s’allongent devant les banques alimentaires ou les Restos du cœur. La santé physique des jeunes se dégrade autant que leur santé mentale. Un étudiant sur cinq présente des troubles dépressifs. L’inflation menace de plus en plus de jeunes de sombrer dans la précarité qui s’est généralisée pendant la crise sanitaire. Des associations étudiantes se mettent en place. À Lille, COP1 a organisé le 23 janvier une première distribution de nourriture, de produits d’hygiène et de vêtements. L’Assemblée nationale a rejeté le projet de loi assurant l’accès au repas à 1 euro pour tous dans les restaurants universitaires. Le dispositif est réservé aux étudiants boursiers ou en situation de précarité. Le camp présidentiel s’est déclaré « hostile » à une mesure « injuste » dont bénéficieraient les plus aisés. Est-ce juste que les profits du CAC 40 dépassent les 72 milliards d’euros au dernier trimestre 2022 quand les jeunes manquent de produits de première nécessité ? L’entraide repose sur le tissu associatif, où s’impliquent des néo-retraités. Près de 40 % des adhésions s’effectuent dans la tranche 60-74 ans. Il est « très difficile de trouver des bénévoles de moins de 65 ans » selon Jean-Claude Gayrin, secrétaire du Secours populaire. Les associations craignent que l’allongement de la durée de cotisation impacte le bénévolat. Les plus démunis risquent bien d’être des victimes collatérales de la réforme des retraites.