En 25 ans, j’ai roulé ma bosse dans différents secteurs de soins. Urgences, médecine libérale, régulation téléphonique. Chaque tour de vis sur les dépenses de santé s’est accompagné d’agressivité de la part des patients. Soignants et secrétaires médicales sont en première ligne pour expliquer le déremboursement d’actes ou de médicaments. Les délais de prise en charge génèrent des tensions. Combien de fois ai-je entendu « On peut crever ! ». Surtout pendant les périodes de confinement, quand il fallait convaincre les gens de rester chez eux à boulotter du paracétamol et rien d’autre. Des années à subir la colère mal dirigée des usagers. Un peu comme quand le client s’en prend à la caissière du supermarché qui lui annonce la facture. Est-ce sa faute à elle, l’inflation ? Non. J’ai bossé un an dans l’unité d’hospitalisation sous contrainte d’un établissement psychiatrique. Avec une prime de risque de 2,29 euros par jour. Les passages à l’acte hétéro-agressifs ont aujourd’hui des conséquences dramatiques. À Montauban. À Montpellier. Selon les éléments des différentes enquêtes, les auteurs des crimes sont des malades psychiatriques. Comme celui qui a poignardé Carène Mazino, à Reims, dont le décès m’a profondément touchée. François Braun prône la tolérance zéro, et incite à porter plainte. Contre qui ? Les malades décompensés, ou contre une politique gouvernementale austéritaire ? Celle qui a fermé des lits et comprimé les effectifs jusqu’à rendre les conditions de travail dangereuses. En vingt ans, j’ai vu disparaître les infirmiers psychiatriques. Les équipes mobiles de liaison. Les centre médico-psychologiques. Les unités de réinsertion psycho-sociale. Selon le psychiatre Norbert Skurnik, rien qu’en Île-de-France, plus de 42 000 malades mentaux errent en dehors de toute institution. Plutôt que des hommages, on est en droit d’attendre du chef de l’État qu’il remédie aux causes structurelles des violences.