Il faut rappeler que Carlos Ghosn est inculpé de multiples malversations et détournements de fonds. Cela va de la dissimulation de revenus à hauteur de 127 millions d’euros (un chiffre confirmé par le gendarme américain de la Bourse qui a enquêté de son côté), à l’abus de bien social, comme le règlement par Renault et une filiale hollandaise de la facture de 650 000 euros pour son mariage au château de Versailles en présence de 200 invités, l’achat d’un yacht, le versement de salaires à des proches sans travail réel ou l’établissement de fausses factures établies via des complices au Moyen-Orient ou en Amérique du Sud… la liste est encore longue.
Avec ses « arrangements », Carlos Ghosn, qui touchait un salaire moyen de 13 millions annuels, a pu bâtir une fortune évaluée à 175 millions d’euros. « Derrière toute grande fortune se cache un grand crime » expliquait Balzac. Le Monde n’est pas seul à faire preuve d’une inclination singulière à l’égard de l’ex-grand patron de Renault-Nissan. En choisissant de titrer « La grande évasion », Les Échos, journal du 100 fois milliardaire Bernard Arnault, renvoie à l’exploit de Steve McQueen dans le film éponyme. Pas de quoi rendre le personnage franchement antipathique !
C’est si vrai qu’Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Économie et des Finances, a commenté la fuite de Carlos Ghosn non pas en la condamnant mais en déclarant « si un ressortissant étranger fuyait la justice française, on serait très fâché ». Le terme « fâché » vaut son pesant d’or. Les salariés de Renault-Nissan ont eux de quoi être furieux. Car les millions d’euros détournés ou planqués au fisc sont le fruit de leur travail quotidien. Ils leur ont été volés par un homme qui s’estimait au-dessus des lois, un inaccessible du système.
Carlos Ghosn a-t-il pu agir des années durant à l’insu des cercles de direction du groupe ou du gouvernement français actionnaire ? C’est difficile à imaginer. Ce qui est sûr c’est que depuis qu’il dirige le géant automobile, les suppressions de postes de travail vont grand train et le rendement des dividendes a été multiplié par trois, passant de 1 140 euros par action en 1999 et à 3 550 euros l’an passé, un record ! Manifestement, cela rend certains aveugles et, dans le cas du Monde et des Échos, étrangement sensibles aux évadés. Quant aux travailleurs du groupe Renault-Nissan, il est plus que probable que justice ne leur soit jamais rendue.