« Dépensez, dépensez, dépensez... » a lancé Kristalina Georgieva, directrice générale du FMI, lors d’un panel virtuel avec le centre Bruegel réunissant des États membres de l’UE, des multinationales et l’Institut Montaigne, qui prône la baisse du nombre des fonctionnaires, les réductions des allocations familiales et du chômage, la baisse de la prise en charge des congés parentaux et bien d’autres joyeusetés néolibérales.Cette exhortation voudrait être l’antidote à la crise économique. En réalité, elle frôle l’obscénité. Faut-il être à ce point ignorant des difficultés auxquelles est confrontée une grande partie de la population, dont les ressources financières ont fondu avec la crise, pour lancer sans vergogne une telle injonction ? Au plus dur de la crise, la situation fut à ce point difficile qu’elle a conduit de nombreuses municipalités à organiser dans l’urgence des distributions alimentaires. Le manque d’argent frappe nombre d’autres personnes. Bon an, mal an, elles arrivaient à joindre les deux bouts. Désormais, elles y parviennent à peine, concentrant leurs dépenses sur les essentiels de la vie : se loger, se nourrir, se transporter...
Ce qui vaut pour les individus vaut aussi pour les collectivités. Sous l’effet conjugué d’un accroissement des dépenses sociales et de la baisse des recettes, le coronavirus aura coûté près de cinq milliards d’euros. L’Association des maires de France évalue à 20 milliards le coût global sur trois ans, 2022 inclus.On voudrait que madame Kristalina Georgieva aille répéter - droit dans les yeux - aux élus locaux et à leurs administrés ses injonctions formulées devant un parterre pour lequel l’expression « fin de mois difficile » n’existe pas et qui reste silencieux mais est satisfait à l’annonce de vastes plans de licenciements annonciateurs de profits augmentés. C’est le cas avec le laboratoire pharmaceutique Sanofi, qui verse quatre milliards d’euros de dividendes à ses actionnaires, reçoit 600 millions d’aide de l’État et annonce licencier 1 000 personnes.
Des solutions existent pour faire face aux conséquences financières de la crise. En France, la rente des dividendes a atteint 1 430 milliards d’euros en 2019. Les taxer à 50 % réglerait largement les 135 milliards engagés par l’État face à la crise. Cette taxe dégagerait aussi des moyens nécessaires aux collectivités afin qu’elles poursuivent et amplifient leurs services à la population dans les domaines de l’éducation, la santé, les transports propres et l’indispensable culture, à laquelle chacun doit avoir accès. Elle permettrait enfin d’investir massivement dans une économie de haute technologie et durable, dans la rénovation thermique, l’agriculture raisonnée... créant des centaines de milliers d’emplois tout en protégeant notre environnement.
C’est bête comme chou, et il resterait 715 milliards d’euros aux actionnaires pour partir en vacances. Mais cette question du partage des richesses créées par le pays est tabou. « Touche pas au grisbi... » s’écriait pour l’éternité Francis Blanche dans le film Les Tontons flingueurs. Le sommet de l’État a fait sienne cette célèbre réplique, l’effet comique en moins.Il va falloir être soudés et déterminés pour obtenir du président et du gouvernement qu’ils changent de paradigme. Qu’ils tirent, bon gré mal gré, la leçon du rejet dont ils ont été l’objet à l’occasion des élections municipales. Et s’ils ne s’y résolvent pas, pour nous munir en 2022 d’un gouvernement qui mettra le bien commun au cœur de sa politique.