Horreur sidérale...

par ANDRE CICCODICOLA
Publié le 11 juin 2021 à 12:58

Un tour de manège de 20 minutes dans l’espace, ça vous tente ? Si vous êtes capables de débourser jusqu’à 2,3 millions d’euros, vous pourrez embarquer dans une capsule spatiale en compagnie de Jeff Bezos, 200 fois milliardaire et propriétaire d’Amazon, et de son frère. Départ le 20 juillet prochain. Ce sera le premier vol touristique spatial. Pas question de faire un tour de Terre, mais seulement un saut de puce cosmique. La fusée New Shepard décollera à la verticale et la capsule s’en séparera à environ 75 kilomètres de hauteur, continuant sa trajectoire jusqu’à dépasser les 100 kilomètres d’latitude. Les passagers à bord flotteront en apesanteur durant quelques minutes et, privilège absolu, ils seront les premiers touristes à observer la grande courbure de la planète bleue. Pendant ce temps-là, la fusée porteuse redescendra pour se poser sur une piste, toujours à la verticale. Puis la capsule entamera elle-même une chute libre pour revenir vers la Terre. Freinée par trois grands parachutes et des rétrofusées, elle atterrira dans un désert de l’ouest du Texas. Une fois de retour sur le plancher des vaches, télés, radios, journaux, sites numériques seront au rendez-vous. Pour ces brefs estivants de l’espace, ce sera alors un feu d’artifice médiatique, à moins que celui-ci n’ait lieu avant, car, comme le rappelle Dan Ives, chroniqueur de la chaine CNBC, ce voyage « est un choix osé » en référence au risque que représente toujours ce type d’opération. « Qu’importe » a écrit, bravache, le multi-milliardaire sur son compte Instagram, « depuis que j’ai cinq ans, je rêve de voyager dans l’espace. Le 20 juillet, je ferai ce voyage avec mon frère ». Un songe de gosse qui coûte bonbon... mais pas que !

Le premier tour-opérateur de l’espace

Jeff Bezos n’a pas uniquement la tête dans les étoiles, il l’a surtout près du coffre-fort. Il veut mettre à profit son voyage spatial pour promouvoir un nouveau business. Il veut être le premier tour-opérateur de l’espace. Le prix du billet de transport sera salé, pas moins de 250 000 dollars. Près de 6 000 individus sont prêts à s’offrir cette virée sidérale qui se paie d’horreur : les 19,6 millions de millionnaires (chiffres 2020) parmi lesquels 2 755 milliardaires, n’existent qu’au prix de 729 millions de pauvres, des femmes et des hommes « survivant  » avec moins de 2,30 euros par jour selon la Banque mondiale. Chiffres à prévoir en augmentation de 110 à 150 millions à cause de la pandémie. Jeff Bezos ne les verra pas plus qu’il ne les voit quand il se promène avec son méga-yacht de 127 mètres. Faute de mettre le nez dans les étoiles, ces nouveaux pauvres et les 575 700 salariés d’Amazon faisant la fortune de Jeff Bezos (qui leur refuse toute syndicalisation aux USA) auront intérêt à s’enfermer devant leur télé pour rêver de ces voyages spatiaux : chaque décollage brûlant grosso modo 241 tonnes d’un mélange de polybutadiène (une sorte de caoutchouc), de perchlorate d’ammonium et d’aluminium, ce serait bien le diable si nous ne respirerons pas quelques particules de ces composés hautement polluants et cancérigènes.