Point de vue

L’extrême droite labellisée par le MEDEF ?

par ANDRE CICCODICOLA
Publié le 4 juillet 2019 à 10:41 Mise à jour le 5 juillet 2019

Marion Maréchal, invitée à l’Université d’été du MEDEF ! Le sang des démocrates n’a fait qu’un tour et celui de Laurence Parisot aussi.

L’ancienne présidente du MEDEF a twitté : « Si cette information est exacte, c’est très grave ».

Dans un livre intitulé Un piège bleu Marine l’ex-patronne des patrons avait déjà pointé les dangers que fait courir le Front national. Marion Maréchal-Le Pen a été l’une de ses représentantes à l’Assemblée nationale avant de se « mettre en réserve ». Un retrait purement tactique au cours duquel elle a pris soin de gommer le patronyme de son grand-père pour se refaire une image, et en défendre mieux encore les finalités : une société identitaire et autoritaire où règne la libre entreprise débarrassée des contraintes régulatrices de l’État et des empêchements syndicaux. Un monde du « gré à gré » entre le salarié et le patron.

Les objectifs politiques et économiques de celle que Steve Bannon, l’ex-conseiller de Trump, a qualifié d’« étoile montante de l’extrême droite française » , revêt un intérêt croissant aux yeux d’une partie grandissante du patronat. Si certains patrons sont attachés, en toutes circonstances, aux valeurs de la République et de la démocratie, l’histoire nous enseigne que ce lien est fragile et précaire, et qu’il trouve sa limite chez beaucoup d’autres dès lors que leurs intérêts sont en cause. C’est ainsi que sous l’Occupation allemande, une majorité d’entrepreneurs collabora avec l’ennemi après s’être ralliée au maréchal Pétain.

Le cas de l’entreprise d’appareils photographiques automatiques Photomaton montre à quel point le business et les valeurs démocratiques et humanistes ne font pas bon ménage. En mai 1941, à la suite des rafles de juifs par la police de Vichy, l’entreprise faisait la proposition suivante aux autorités : « Nous pensons que le rassemblement de certaines catégories d’individus de race juive dans des camps de concentration aura pour conséquence administrative la constitution d’un dossier, d’une fiche ou carte, etc.

Spécialistes des questions ayant trait à l’« identité », nous nous permettons d’attirer particulièrement votre attention sur l’intérêt que présentent nos machines automatiques Photomaton susceptibles de photographier un millier de personnes en six poses et ce en une journée ordinaire de travail ». Les affaires d’abord !

Aujourd’hui, le président Macron et les siens s’emploient à mettre en pièce les acquis sociaux, à durcir les conditions de travail afin d’optimiser les profits et l’enrichissement. Les patrons apprécient ces choix qui permettent au capitalisme français d’être plus performant, et d’attirer les capitaux étrangers au point de placer la France en haut du podium européen dans ce domaine. Mais cela ne va pas sans réactions. La France est secouée de soubresauts sociaux. Les inégalités augmentent. Le système est de plus en plus pointé du doigt. Cela inquiète le monde des affaires. Son besoin d’ordre se fait sentir. Or, c’est ce que lui propose de mettre en œuvre Marion Marechal-Le Pen.

Pour parvenir au pouvoir, elle se consacre à rassembler sous sa nouvelle bannière, la droite conservatrice laïque et religieuse, l’extrême droite lepéniste et les mouvements identitaires. Ils ont en commun de considérer que l’inégalité entre les êtres est propre à la nature humaine. Pour eux, la démocratie ne vaut que pour s’emparer du pouvoir. Cette idéologie est partagée chez nous par Louis Aliot du RN, Robert Ménard et d’autres.

Or, c’est le moment où Marion Maréchal-Le Pen lance son offensive politique, que les actuels dirigeants du MEDEF ont choisi pour l’inviter à leur Université d’été, lui délivrant ainsi un label d’acceptabilité ! La rétractation de dernière minute annulant cette invitation n’y change rien. Le message est reçu 5/5. « Les plus grandes catastrophes s’annoncent souvent à petit pas » [1] . Laurence Parisot a toutes les raisons de s’inquiéter, et les démocrates du Gard et de l’Hérault de réagir, en faisant face, unis, au danger.

Notes :

[1L’Ordre du jour d’Éric Vuillard prix Goncourt 2018.