La solidarité à géométrie variable…

par ANDRE CICCODICOLA
Publié le 26 février 2021 à 11:43

Collectes et aides alimentaires directes aux familles en difficulté, assistance auprès des plus âgés, renforcement des personnels assurant les services dans les crèches, écoles et périscolaire. Recherche, achat, voire fabrication puis distribution de masques protecteurs quand régnait une pénurie (dont l’État fut responsable). Propreté publique assurée, soutien au monde culturel et économique en grande difficulté… La liste est longue des services assurés ou créés par les collectivités locales depuis que la Covid-19 a frappé. Sans l’action des mairies, des agglomérations, des Départements ou de la Région, la traversée de la pandémie s’en trouverait radicalement changée. La vie serait un insupportable chaos. Ces institutions locales sont des boucliers sociaux face à la crise sanitaire, économique et désormais humanitaire. Nos concitoyens ne s’y trompent pas. Sur la gestion de la pandémie, l’institution présidentielle et le gouvernement n’ont la confiance que de moins d’une personne sur trois tandis que les collectivités recueillent celle de 80 % de la population [1]. Il en est de même pour la vaccination : 69 % pour les collectivités locales, contre 45 % pour l’État (enquête Harris interactive). La solidarité et les actions de terrain des collectivités ont un prix. Pour la ville de Lille, les dix premiers mois de l’épidémie auront coûté 22 millions. Toutes les agglomérations, conseils départementaux, cités et Région des Hauts-de-France sont soumises à des dépenses tout aussi exceptionnelles. Les collectivités territoriales sont donc bien au front. Aussi demandent-elles un soutien financier à l’État pour compenser leurs dépenses et pertes liées à la Covid et poursuivre leurs actions sans recourir à une augmentation des impôts locaux. Au nom de leurs administrés, les maires de France réclament 14 milliards d’euros. La requête est modeste au regard des 160 milliards d’euros mis sur la table par l’État pour les entreprises l’an passé. Certaines, comme les PMI, PME et TPE ou le secteur aéronautique et celui du tourisme en ont réellement besoin, d’autres pas. Dans ce contexte, comment peut-on accorder cadeaux fiscaux et aides sonnantes et trébuchantes sans contreparties à des entreprises comme le groupe pharmaceutique Sanofi, qui a engrangé 12,1 milliards d’euros de bénéfices en 2020, distribué 4 milliards aux actionnaires, licencié 1 700 personnes et qui accuse un retard coupable dans la sortie d’un vaccin ? Est-il dans l’intérêt du pays de promettre que les impôts sur les sociétés vont être réduits de 25 %, et ceux sur la production de 10 milliards, quels que soient les bénéfices réalisés ? C’est pourtant ce que vient d’annoncer le président de la République devant un aréopage de financiers et de grands industriels. Si leur participation au financement des dépenses de la Nation baisse, et si la crise exige toujours plus de moyens, qui paiera ? Est-il juste enfin, de refuser de rétablir l’ISF (impôt sur la fortune) dont la recette annuelle couvrirait un RSA de crise destiné aux 800 000 jeunes sans ressources pérennes ? La solidarité nationale ne peut pas être à géométrie variable.

Notes :

[1Sources : OpinionWay-Cevipof et l’association des hauts fonctionnaires territoriaux (AATF).