Le menteur et les apprentis sorciers…

par ANDRE CICCODICOLA
Publié le 24 septembre 2021 à 14:34

« Est-ce qu’on va se laisser enfermer dans des débats puants avec Zemmour et compagnie ? » Posée ainsi, la question contenait de facto la réponse. Car les propos d’Éric Zemmour ne sont pas des « idées comme les autres ». Non seulement il tente de réhabiliter Maurice Papon, ancien préfet condamné pour crime contre l’humanité pour avoir été complice de la Shoah, mais ses déclarations sont tellement violentes, haineuses et mensongères à l’égard notamment des immigrés et des musulmans qu’elles l’ont conduit devant les tribunaux. Par deux fois en 2011 et en 2020 Éric Zemmour a été condamné par la justice française pour discrimination et exhortation à la haine raciale. À ce triste palmarès, on peut encore ajouter l’amende de 200 000 euros infligée par le CSA à la chaîne accueillant Zemmour, pour avoir diffusé « en différé » une émission dans laquelle il qualifiait les mineurs étrangers et isolés de « violeurs » et d’« assassins ». Cette haine, il la nourrit de fausses informations. Son soi-disant « grand remplacement » va à l’encontre de toutes les statistiques démographiques. Selon le démographe Hervé Le Bras (JDD, 19 septembre), les immigrés et leurs descendants représenteront 22,5 % de la population en 2100 ! En juin dernier, Zemmour déclarait : « Je ne pense pas que les auteurs des violences sur les policiers prennent des peines bien sévères. » La lecture des jugements le contredit. Zemmour le sait, et donc il ment encore. Mais ni les condamnations, ni les amendes et ni les admonestations n’ont freiné les ardeurs nauséeuses de Zemmour. C’est son fond de commerce. Il perpétue ses dires et avance ainsi vers la présidentielle de façon sournoise. Cette idéologie raciste et xénophobe a été à l’œuvre par le passé. Nous la connaissons bien, elle a servi de support à l’esclavage, au colonialisme et à la Shoah. Mais « le ventre est toujours fécond… ». Elle est un crime. Peut-on lui servir de caisse de résonance ? « Non ! » déclarait un temps Jean-Luc Mélenchon auteur de la phrase qui ouvre ce billet. Il invitait même au boycott d’Éric Zemmour. Cette position allait à l’encontre d’esprits aveuglés voyant dans l’ascension de Zemmour un moyen d’affaiblir un autre péril démocratique et social : Marine Le Pen, et de déjouer un duel présidentiel maintes fois annoncé. Tragique calcul, en promouvant Zemmour tous azimuts, ils se sont comportés en apprentis sorciers. Ils ont permis au poison zemmourien de se répandre plus encore, dans une société déboussolée, mise à mal par une mondialisation sauvage et au seul service des puissances d’argent. Le Brésil a connu un scénario médiatique identique qui a abouti à l’élection de Bolsonaro menaçant aujourd’hui d’imposer sa dictature. Le débat Zemmour-Mélenchon sur BFM TV aura été une grande scène pour le premier crédibilisant ainsi sa candidature. La volte-face de Mélenchon la lui aura offerte. C’est une lourde responsabilité. De surcroit, il n’est pas sûr que la forte exposition médiatique recherchée par l’auteur de ce retournement lui permette d’enrayer une perte d’influence aux causes multiples. En revanche, il se solde par un perdant : le peuple.