Point de vue

Le navire prend l’eau...

par ANDRE CICCODICOLA
Publié le 25 septembre 2020 à 09:00

Las de voir son parti prendre des déculottées électorales, et sans doute inquiet pour son avenir, Pierre Person, délégué général adjoint de La République en marche a démissionné de sa fonction estimant que « le parti présidentiel n’est pas en mesure d’affronter la nouvelle étape du quinquennat ». Lors des six élections législatives partielles de dimanche dernier, les candidats macronistes ont été sortis dès le premier tour, perdant même le seul siège dont ils disposaient dans les Yvelines. Cet échec succède à la débâcle de LREM aux municipales.Ces revers électoraux confirment finalement les indications du dernier sondage Ifop selon lequel 62 % des Français rejettent le nouveau monde de Macron, qu’il soit d’Après comme d’Avant.

Une des causes de ce score peut se lire dans une étude de l’Insee. Elle pointe l’accroissement des inégalités de revenus en 2018. Les 30 % des Français ayant les plus bas revenus ont vu leur rétribution disponible diminuer. À l’inverse, le niveau de vie des 5 % les plus riches a augmenté de 1,2 % ! Dans ce contexte, un grand nombre de nos compatriotes cherche une issue. Du côté de la droite, qu’ont-ils à attendre ? Hormis ses rodomontades sécuritaires, son credo est proche de celui de l’actuel président qui tente d’ailleurs de la cannibaliser.

Du côté de la gauche, l’espoir avait refait surface lors des municipales. Rassemblés, écologistes, communistes, socialistes et insoumis ont conquis des métropoles. Mais cet espoir est en train de disparaître derrière le brouillard des ambitions partisanes ou personnelles. Malgré des sondages peu favorables, Mélenchon est obnubilé par la présidentielle. Les dirigeants d’EELV, quant à eux, oublient que leurs succès aux municipales sont le fruit du rassemblement à gauche et donnent du menton. Ils réclament eux aussi le leadership dans les scrutins à venir, offrant en même temps le spectacle d’un parti où s’affrontent violemment les candidats à la future présidentielle.Si la différence de sensibilités politiques au sein de la gauche est normale, il faut se souvenir que la droite et l’extrême droite ne gagnent pas parce qu’elles sont les plus fortes, mais parce que la gauche est plus faible.

Or, nos compatriotes ont moins besoin d’ambitieux que d’ambition. Ils espèrent des perspectives de vie écartant notamment le déclassement et la précarité. Si la gauche n’y répond pas, la menace sera réelle de voir l’extrême droite de Marine Le Pen s’emparer de régions au gré d’alliances de circonstances avec une partie de la droite, en captant au passage un vote anti-Macron. Les Hauts-de-France ne sont pas à l’abri d’un tel scénario dont le peuple paierait inexorablement le lourd tribut social, écologique et démocratique.

Si la différence de sensibilités politiques au sein de la gauche est normale, il faut se souvenir que la droite et l’extrême droite ne gagnent pas parce qu’elles sont les plus fortes, mais parce que la gauche est plus faible. Rappelons que toutes tendances confondues, la gauche représente 27 % des intentions de vote contre 45 % à l’orée de 1981 où elle gagna les élections présidentielles et législatives forte d’un projet commun.La gravité de la situation autorise-t-elle un usage irréfléchi de l’esprit de compétition ? L’urgence n’appelle-t-elle pas la gauche à réunir rapidement les propositions les plus progressistes de chacune de ses composantes, afin de les livrer en commun au débat public pour associer le plus grand nombre de citoyens à un véritable projet collectif de progrès ?

Il est toujours utile de porter un regard sur l’Histoire. En 1932 face à l’ascension d’Hitler, les responsables communistes allemands expliquaient leur refus de l’union avec les sociaux-démocrates par l’anti- communisme souvent avéré de ceux-ci et par la montée de l’influence électorale de leur parti. « Votre progression est réelle, leur écrivit en substance Léon Trotski, mais elle est moins importante, moins forte que celle des nazis »... Son invitation au rassemblement ne fut pas retenue.