Les naufragés et l’hallucination collective…

par ANDRE CICCODICOLA
Publié le 10 décembre 2021 à 12:27

Commentant le sort de 12 000 réfugiés chassés par la guerre et la misère et entassés dans des camps de fortune sur l’île grecque de Lesbos, pointant l’hostilité manifestée à l’égard des migrants en Europe, le pape François s’est insurgé déclarant que leur traitement reflétait « un naufrage de la civilisation ». « Pourquoi ne pas parler de l’exploitation des pauvres, des guerres oubliées et souvent largement financées, des accords économiques conclus aux dépens des populations, des manœuvres secrètes pour le trafic et le commerce des armes en provoquant leur prolifération ? » a-t-il souligné ajoutant : « Il s’agit de s’attaquer aux causes profondes, et non aux pauvres personnes qui en paient les conséquences et qui sont même utilisées pour la propagande politique. » Éric Zemmour est l’un de ces manipulateurs. Cet apôtre de la haine, condamné pour « provocation à la discrimination raciale » voudrait faire porter le poids des problèmes de notre pays sur ces nouveaux migrants qui viendraient, selon lui, renforcer la cinquième colonne que représenteraient les travailleurs immigrés de notre pays. Un mensonge ! Et un venin qui, hélas, fait son chemin, comme en témoignent les sondages. Quand Éric Zemmour surfe sur les craintes et les colères que génèrent une vie difficile et un avenir incertain, il faut lui opposer la vérité des faits. Celle d’une France riche, championne d’Europe en nombre de millionnaires. Mais une France dont les richesses produites par le monde du travail et de la création sont accaparées par une nouvelle aristocratie financière et industrielle privilégiant les royalties aux salaires et aux investissements. Quant au travail, s’il manque, c’est parce qu’on refuse de le partager, c’est parce que 2,5 millions d’emplois industriels impactant six millions de Français ont disparu, délocalisés vers des pays où l’on paie les travailleurs au lance-pierre. Aujourd’hui sous l’influence de Macron, le patronat français tente de refaire un retard qu’il a lui même provoqué. Pour y parvenir, il aggrave l’exploitation des salariés en vue d’une rentabilité maximale afin d’attirer les capitaux nécessaires à son développement. Cette stratégie a fait de notre pays le leader européen en matière de dividendes versés aux actionnaires. Dans ses éructations xénophobes, Éric Zemmour, affidé tardif de Pétain, dénie aux parents le droit de donner le prénom de leur choix à leurs enfants. Il a contesté la nationalité française à la famille Sandler pour avoir inhumé en Israël les siens, victimes d’un attentat. S’il crée et agite l’épouvantail de l’immigration et de l’ennemi de l’intérieur, c’est pour susciter l’angoisse et masquer ses ambitions réelles. Son programme d’extrême droite vise à instaurer en France un régime autoritaire ultralibéral où la femme serait reléguée à un rôle de second plan. Cette misogynie n’a d’égale que son homophobie et ses projets discriminants et antisociaux. N’est-il pas pour la suppression des 35 heures ? N’est-il pas allé chercher le soutien du Premier ministre hongrois Viktor Orbán, qui impose au monde du travail de son pays de faire, « à la demande », 400 heures supplémentaires par an payables à échéance de trois ans ? N’est-il pas pour la retraite à 65 ans ? Il évoque une augmentation des salaires mais il la ferait financer non pas sur les bénéfices accumulés mais par une baisse des cotisations sociales. Cela reviendrait à reprendre avec la main droite ce qui aura été donné avec la gauche car moins de prélèvements sociaux, cela signifierait moins de salaire différé pour les travailleurs. Les retraites seraient plus faibles et il coûterait plus cher de se soigner. Enfin, pourquoi feint-il d’ignorer que les travailleurs immigrés, dont les enfants sont citoyens de notre pays, ont été les chevilles ouvrières des « Trente Glorieuses » ? Ou bien que l’immigration rapporte plus au pays qu’elle ne « coûte » ? Ou encore que les travailleurs immigrés sont légion parmi les « premiers de cordée », qui ont évité à la France la panne sèche lors des confinements liés à la pandémie de Covid-19 ? Et enfin que si le football français brille, nous le devons aujourd’hui à Benzema et hier à Kopaszewski alias Kopa ? Zemmour et son homologue Marine Le Pen tentent d’entraîner le peuple dans une hallucination collective, celle de la menace du « grand remplacement » et d’imposer une France soumise aux règles les plus dures du libéralisme comme le font par ailleurs Bolsonaro au Brésil ou Orbán en Hongrie. Les démocrates de tous bords sauront-ils s’opposer à ces desseins funestes ?